NAn Goldin
Photographe “Il faut exalter nos défauts”
« J’ai bâti ma carrière entière sur les complexes
— les miens et ceux de 90 % des personnes que j’ai photographiées. J’ai toujours pensé que pour les dépasser, il fallait les montrer de façon indécente. La mise à nu est ce que tout être recherche profondément, car sans celle-ci la vie n’aurait aucun sens, elle ne serait qu’un miroir déformé du réel. Cependant, il n’y a rien de plus difficile que de s’exposer ; pour y parvenir, il faut s’oublier. Lorsque j’ai commencé à tirer des portraits de gens que je fréquentais à New York dans les années 1980, j’ai vite compris que pour capturer quelque chose d’intéressant à travers ma caméra, il fallait que je sois la première à lâcher prise. Que je sois aussi imparfaite, vulnérable et à poil que la personne devant mon objectif. J’ai toujours été une marginale, une personne hors norme, pleine d’insécurités, et j’ai décidé que mon travail serait voué à capturer l’abandon total d’un visage, d’un corps, d’une âme. Je pense avoir révélé une façon de transformer nos complexes en les encadrant. Mettre un cadre signifie déplacer le regard dans un périmètre et l’observer de près, sans distractions et sous une autre lumière. C’est épatant alors de réaliser que tout ce que nous n’aimons pas de nous-mêmes prend une autre signification et devient souvent cruel mais beau, car vivant, vibrant, éloquent et humain. C’est ça qu’il faut apprendre : à exalter nos défauts, à les présenter comme des victoires de l’existence, des cicatrices merveilleuses, des éclats de couleur que j’aime profondément. » « Toute la beauté et le sang versé », un documentaire de Laura Poitras sur la vie de Nan Goldin. Diffusé sur MyCanal.