LA CHRONIQUE DE ● COLOMBE SCHNECK
LES PETITES FILLES LISENT des contes de fées à la fin identique : la jeune fille rencontre un prince charmant, et « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». En grandissant, elles continuent à y croire, cela devient le premier projet, parfois une obsession. Alors, quand elles rencontrent un jeune homme qui répond à tous leurs souhaits, qui acquiesce à leurs désirs, il n’y a plus qu’à se glisser dans les pages du conte, à créer le bon décor et à aimer pour de vrai. Sonia Kronlund a enquêté sur un homme qui s’est transformé en prince charmant pour des dizaines de femmes. Il était l’aventurier, le chirurgien au grand coeur, le militaire courageux, le tendre fiancé, le père de leur futur enfant, il avait le costume de celui qu’elles attendaient, mais ce n’était qu’un costume. Sonia Kronlund, qui elle-même a été victime de deux escrocs de l’amour, se demande comment on peut nommer les sentiments vrais qui sont le résultat d’une mise en scène ? Y aurait-il des émotions plus justes que d’autres ? Celles provoquées par une fiction seraient-elles « bidons » ? Quand on lit Anna Karénine, nos émotions sont réelles, mais son objet est une fiction, rappelle l’auteure. Anna Karénine, comme cet homme aux mille visages, n’est que le miroir de nous-mêmes. Quand nous lisons, quand nous aimons, nous écrivons notre propre fiction, celle qui correspond à ce que nous sommes. Un épisode du podcast Les Couilles sur la table, de Victoire Tuaillon, qui a pour titre Séducteurs professionnels, interroge la sociologue Juliette Roguet, dont le doctorat porte sur les bricheros, ces Péruviens qui charment de jeunes touristes occidentales en jouant le rôle de l’Indien alliant spiritualité et sensualité. Faut-il lutter contre ce mirage ? Ou le vivre ? Puis souffrir ? Sonia Kronlund et Juliette Roguet nous proposent, chacune à leur manière, une réjouissante exploration de nos désirs. ●