L’ART D’ÉCRIRE
ELLE SE DÉVORE COMME UN POLAR, cette étude sur la folie, allant des bizarreries aux troubles psychiques avec, dans le rôle de l’enquêtrice, la romancière elle-même qui, en matière de manies et de crises de panique, sait de quoi elle parle. À partir de cet autoportrait en scribouillarde qui a « toujours su que quelque chose ne fonctionnait pas bien dans sa tête » (bien que sa vivacité d’écriture semble plutôt prouver le contraire), l’auteure s’interroge sur la relation entre « zinzinerie » et artistes, notamment les écrivains, qui, de Nietzsche à Fitzgerald, en passant par Virginia Woolf et Sylvia Plath, et tant d’autres, ont connu l’enfer de la dépression ou de la folie, ou tous ceux qui furent simplement des « nerveux », comme disait Proust, les hypersensibles à l’imagination galopante…
S’appuyant sur les connaissances actuelles sur le fonctionnement du cerveau (fascinant) et sur quantité de citations des auteurs eux-mêmes concernant leur « maladie », elle parvient à la conclusion non pas qu’écrire rend dingue (encore que beaucoup ont recours aux drogues et à l’alcool pour créer), mais plutôt qu’on écrit, en gros, pour survivre à des traumas de l’enfance. L’art servirait à ça : se soigner en canalisant et partageant sa douleur. L’auteure donne la parole à ses comparses (Beauvoir, Lessing, Carrère…), dont elle relate des expériences de vie et d’écriture, c’est aussi bouleversant que passionnant. Avec un puissant talent de conteuse, elle agrémente son essai du récit de ses démêlés tragicomiques avec une usurpatrice, une femme qui, pendant des années, s’est fait passer pour elle… Jamais triste ou sombre, le livre, au contraire, se veut une invitation joyeuse à explorer le sens profond de la vie à travers nos démons. ●