Madame Figaro

NATHALIE AZOULAI

- I. P.

NOS VIES SONT RÉGIES PAR DES MACHINES

mues par des programmes commandés par le code, et nous ne savons rien de ce langage. Qui sont ces nerds qui codent sans répit, souvent dans l’anonymat le plus complet ? L’auteure de Titus n’aimait pas Bérénice mène une enquête brillante et pour le moins inattendue.

AVEZ-VOUS HÉSITÉ AVANT DE VOUS LANCER SUR CE THÈME ?

Oui, parce que c’est vaste et très étranger à moi. Je ne m’en sentais pas la capacité ou la légitimité. Ce monde-là est fermé et, oui, je crains que l’on ne s’y intéresse pas. Puis, j’ai compris que je devais y aller avec justement ce manque d’assurance. Je ne porte pas de jugement sur ce numérique, mais je jette la lumière dessus et, après, ça fait son chemin.

QU’EST-CE QUI VOUS FASCINE LE PLUS CHEZ LES « GARÇONS QUI CODENT » ?

Leur concentrat­ion ! Elle me fait fantasmer, elle est perdue pour moi ! Ils sont complèteme­nt câblés, coupés du monde, avec ce désir de résoudre tous les problèmes, il y a sûrement une libido très forte du codeur ! Il y a, dans cette activité, de la créativité, de l’intelligen­ce, du challenge.

ÊTES-VOUS HANTÉE PAR CET AMI DE JEUNESSE QUI SURGIT DANS LE LIVRE ?

Il est apparu au fur et à mesure, comme le premier jeune homme de cette quête d’un monde masculin. Homosexuel, Simon m’avait initiée à cet univers des hommes entre eux, il me racontait beaucoup, il m’ouvrait ses terrains de jeu. Puis il s’est retiré du monde, il s’est retranché, il me manque. Il y avait comme un spectre

derrière tous ces jeunes gens du livre, et c’était Simon qui en est devenu le vrai sujet… Je me mets en position de femme qui regarde les garçons, les hommes. L’envie de comprendre comment le masculin fonctionne, ce désir pour les machines, les jouets…

VOS FILLES VOUS DISENT :

« T’EN N’AS PAS MARRE D’ÉCRIRE DES ROMANS ? » ET SI C’ÉTAIT À REFAIRE ?

J’aurais aimé la chirurgie, je crois, pour percer le grand mystère, le secret des corps. Ou danseuse. Des langages qui passent par le corps. Je n’aurais pas pu être codeuse, c’est trop froid ! Ce livre, c’est de l’autofictio­n, c’est la première fois pour moi. J’avais envie de tenter la narrative nonfiction, comme disent les Anglo-Saxons, même s’il y a des parties fictionnée­s. C’est une expérience de l’altérité, je voulais me confronter à quelque chose de plus éloigné de moi, après La Fille parfaite (2022), où il y avait déjà une confrontat­ion entre la littératur­e et les maths. J’avais aussi envie d’une écriture plus factuelle, sans me prendre au sérieux, c’est une comédie d’apprentiss­age en fait. Mais je me remets au roman ! Sa forme foisonnant­e me manque, son écriture plus charnue. J’aime le puzzle, le casse-tête du roman…

LA SOLITUDE DE L’ÉCRIVAIN EXISTE ? Oui, c’est super dur la solitude quand on écrit. On envie les gens qui ont un agenda plein ! Mais moi, j’ai besoin de cette solitude aussi, sinon je me perds, je ne sais plus qui je suis. C’est la maternité qui a déclenché mon désir d’écrire (avec Mère agitée, en 2002, NDLR), ça a ouvert la vanne de l’expression. Comme si la vie de tous les jours ne suffisait pas. ●

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 ?? ?? Python, de Nathalie Azoulai, Éditions P.O.L, 240 p., 20 €.
Python, de Nathalie Azoulai, Éditions P.O.L, 240 p., 20 €.

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