Madame Figaro

COLOMBE SCHNECK

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CE ROMAN POURRAIT ÊTRE UN CHÂLE DE SOIE,

il serait imprimé de pivoines, et trop rose à mon goût. Inspiré de la « tendresse excessive » éprouvée par Marie de Sévigné pour sa fille, Françoise, il raconte ce XVIIe siècle, sa cour, ses brocards et ses châteaux, et permet de lire les fastueuses lettres adressées par une mère à sa fille. Avec notre regard raisonnabl­e, celui qui nous dit qu’une bonne mère est celle qui laisse son enfant partir, cet amour dérange. Et pourtant, nous connaisson­s tous autour de nous, et peut-être que je ferai un jour partie de ce groupe-là, des mères qui ne supportent pas que leur enfant soit volé par un autre. Pour Marie de Sévigné, cet amour irréaliste, sa fille qui se marie et lui échappe, se transforme en une rage épistolièr­e. La marquise écrit tous les jours :

« Mais, mon Dieu, où ne vous ai-je point vue ici ? et de quelle façon toutes ces pensées me traversent-elles le coeur ? Il n’y a point d’endroit, point de lieu […] où je ne vous aie vue. Il n’y en a point qui ne me fasse souvenir de quelque chose ; de quelque manière que ce soit, cela me perce le coeur. » Ce qui est passionnan­t, c’est que Marie de Sévigné se révèle une grande auteure par sa modernité de ton, la manière dont elle s’interroge. Elle ne cherche pas à épater son lecteur, elle ne souhaite qu’atteindre le coeur de sa fille, la convaincre de revenir la voir. « Vous me demandez, ma chère enfant, si j’aime toujours bien la vie ? […]. Je suis embarquée dans la vie sans mon consenteme­nt. Il faut que j’en sorte ; cela m’assomme. Et comment en sortirai-je ? Par où ? Par quelle porte ? Quand sera-ce ? En quelle dispositio­n ? » La réponse est dans un combat, celui de convaincre sa fille de revenir. ●

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 ?? ?? Madame de Sévigné, d’Isabelle Brocard, Éditions Fayard, 272 p., 25 €.
Madame de Sévigné, d’Isabelle Brocard, Éditions Fayard, 272 p., 25 €.

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