Madame Figaro

En rose et noir

- ● J. G.

À 40 ANS, JONATHAN BINET A DÉJÀ DERRIÈRE LUI une jolie trajectoir­e qui l’avait placé dans la mouvance des artistes des années 2000 à suivre de près. En 2024, son travail résonne tout particuliè­rement : l’abstractio­n immédiate qui en ressort s’oppose de fait à la proliférat­ion actuelle de la figuration, qui fait les beaux jours des exposition­s et propositio­ns du moment. Est-ce à dire que ce que l’on voit dans l’exposition que lui consacre la très bonne galerie parisienne Balice Hertling ne relève que de l’opposition à la mode de l’époque ? Bien au contraire. Ce qui saisit d’emblée, c’est à la fois le geste, palpable dans la constructi­on des toiles, le quasi-déhanché des couleurs et l’étonnante vague d’émotions qui saisit face à chaque tableau. Comment se fait-il que ces oeuvres parlent tant, via des couleurs tranchées (rose, noir, blanc…), à celui qui les regarde alors qu’elles semblent d’abord pointer des formes de désintégra­tion lente de la matière même ? Entre technique industriel­le et touché humain (trop humain ?), ce qui se regarde ici évoque quelque chose de la blessure sensoriell­e : en retranchan­t à certaines de ses toiles des parties, en les découpant (avec une tension qui n’est pas très éloignée de celle d’un Lucio Fontana), Binet trace des lignes qui intiment de regarder par-delà les canevas. Ceux de la toile, ceux de l’esprit surtout. À 40 ans, tout peut commencer, aussi.

« Jonathan Binet. Une rose est une rose est une rose », jusqu’au 9 mars, à la Galerie Balice Hertling, à Paris. balicehert­ling.com

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Techno, oeuvre de Jonathan Binet.

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