Colombe Schneck
C’EST LE GENRE DE LIVRE
que je rêve de lire depuis longtemps, il mêle cuisine et souvenirs. Mais estce que cela n’est pas la même chose ? Les goûts de ce que nous mangeons ne sont-ils pas nos souvenirs les plus persistants ? Ce dont on nous régalait enfant reste en nous, évoque nos moments les plus heureux, les plus rassurants, ceux durant lesquels quelqu’un, notre mère, mais pas seulement, nous aimait de manière indéfectible, et la preuve de cet amour était de nous faire à manger.
La cuisine est aussi une consolation, soutient dans les moments les plus douloureux, celui où l’on enterre un être aimé. Stéphanie Schwartzbrod a interrogé des femmes d’autres cultures, d’autres religions, d’autres pays. Comment du Japon au Sénégal, de la Croatie à l’Inde, le passage de la vie à la mort se fait à travers des plats qui accompagnent les vivants, et d’autres destinés aux morts. Cesca, qui vient d’Italie, se souvient des doigts déformés par l’arthrose de sa grand-mère, qui façonnaient avec habileté des gnocchis. Patricia, au Pérou, a toujours un verre d’eau dans son armoire destinée à ses morts, et nous offre la recette du leche de tigre. Ce livre n’est pas qu’un livre de recettes, avec ses ingrédients et les lieux où l’on peut les trouver, une enquête ethnologique, c’est tout cela et davantage. Il est aussi le « dire adieu » à une mère enterrée. Stéphanie Schwartzbrod le raconte à travers le plaisir qu’elle avait à se tenir en cuisine, et ailleurs, avec le portrait d’une femme singulière qui sentait la crème de beauté Maria Galland et la crème solaire. En démontrant combien le plaisir de manger irradie au-delà de toute frontière, ce récit à la capacité de nous offrir un moyen possible de résurrection pour nos morts.