Maria Pourchet et Camille Miceli
“On taille, on coupe, on assemble”
QUEL REGARD PORTEZ-VOUS L’UNE SUR L’AUTRE ? CAMILLE MICELI. – La façon dont Maria décrit ses personnages, la construction de ses récits, où elle alterne les différents points de vue comme dans Feu, son avant-dernier roman, sont passionnantes. Elle pose un regard acéré sur les rapports de couple aujourd’hui que je trouve particulièrement juste.
MARIA POURCHET. – Je ne connaissais pas personnellement Camille avant cette rencontre. Mais je l’imaginais ainsi, une femme qui porte avec un naturel incroyable des tenues ultra-audacieuses. Ses collections Emilio Pucci me font penser à un éternel féminin à la fois nouveau et ancien, presque impérial. Dans sa mode, tout est joyeux, coloré, graphique et converge vers une idée de liberté.
EXISTE-T-IL, SELON VOUS, DES LIENS
ENTRE LA MODE ET LA LITTéRATURE ?
C. M. – Ce sont deux domaines créatifs. L’un est plus intellectuel que l’autre, mais c’est vraiment intéressant quand ils se mélangent comme dans les salons parisiens des années 1920, où art, littérature et mode se rejoignaient dans une émulsion très inspirante. J’ai une vision assez romantique et nostalgique de ce temps car, aujourd’hui, les différentes disciplines sont plus clivées.
M. P. – Moi aussi, je taille, je coupe, j’essaye d’assembler ce qui est au départ une vaste matière un peu informe. Les émotions que je convoque au début d’un livre sont très sensorielles, comme doit l’être le sentiment du styliste quand il commence à penser aux couleurs ou aux matières de ses collections. Et puis les vêtements ont toujours été importants dans mes romans. La façon dont mes personnages les portent en dit long sur la place qu’ils occupent dans la société.
CONNAISSEZ-VOUS LE SYNDROME
DE LA PAGE BLANCHE ?
C. M. – Non. Mais je pense que plus on crée, plus on est créatif. C’est une gymnastique qui entraîne à toujours renvoyer la balle vers autre chose. Et puis je ne suis jamais seule, et que ce soit avec mon équipe ou mes amis, j’ai le sentiment d’être constamment nourrie.
M. P. – Moi non plus je ne connais pas ce syndrome. Au contraire, il m’arrive même parfois de devoir retenir ce désir d’écriture quand je travaille sur autre chose qu’un roman. C’est comme un torrent dans ma tête, qui ne demande qu’à jaillir.