Sabyl Ghoussoub et Rabih Kayrouz

“Une même mission : raconter une histoire”

QUEL REGARD PORTEZ-VOUS L’UN SUR L’AUTRE ? RABIH KAYROUZ. – Sabyl est un ami, on partage les mêmes sensibilités méditerranéennes, mais il est surtout un écrivain que j’admire. J’aime son écriture limpide, la justesse de ses mots. Son troisième roman, Beyrouth-sur-Seine, où il raconte l’histoire du Liban via sa famille m’a bouleversé. Quand on me questionne sur ce pays, je réponds « lisez ce livre » : on comprend tout de son histoire.

SABYL GHOUSSOUB. – Je suis depuis toujours les collections de Rabih dont j’aime tout : l’épure, les couleurs, les coupes et leur fluidité. Il m’inspire aussi Beyrouth, avec une certaine idée de cette ville dont il serait un représentant emblématique.

EXISTE-T-IL, SELON VOUS DES LIENS

ENTRE LA MODE ET LA LITTéRATURE ?

R. K. – Les mots me font voyager. Et, souvent, les personnages de romans m’évoquent une allure. D’ailleurs, à chaque saison, j’aime habiller des héroïnes à qui j’invente des situations romanesques comme dans les livres. Cela peut être une femme sur le quai d’un port qui attend l’être qu’elle aime…

S. G. – En mode comme en littérature, les styles les plus novateurs et les plus osés, les tournures de phrases les plus inspirantes naissent dans la rue. La mode a aussi une grande importance dans mes romans. À titre d’exemple, l’une des photos qui m’ont le plus guidé lors de l’écriture de Beyrouth-sur-Seine est un cliché que ma mère, exilée à Paris, a pris de son frère, en visite du Liban, au début des années 1980. Il était barbu, la peau mate, et portait sur ses épaules un immense manteau en fourrure et en dessous une chemise beige. On aurait dit une vraie photo de mode !

CONNAISSEZ-VOUS LE SYNDROME

DE LA PAGE BLANCHE ?

R. K. – Écrivain ou créateur, nous avons la même mission, remplir une page blanche et raconter une histoire qui dégage une émotion. Il m’arrive de ne pas être inspiré, mais nous ne sommes pas dans la même temporalité. Car, contrairement à l’écrivain qui est seul, le créateur de mode porte une maison, et ses clients attendent de lui qu’il délivre une collection à chaque saison.

S. G. – C’est la nécessité de raconter une histoire qui me porte vers un nouveau roman. Si un jour je ne ressens plus ce besoin, j’arrêterai d’écrire.

Rabih Kayrouz est créateur de mode. Dernier ouvrage de Sabyl Ghoussoub : « Beyrouth-sur-Seine », Éditions Stock.