Madame Figaro

Eva Ionesco et Christian Louboutin

“Nous sommes deux artisans”

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QUEL REGARD PORTEZ-VOUS L’UN SUR L’AUTRE ? CHRISTIAN LOUBOUTIN. – Je connais Eva depuis qu’elle a 10 ans. Écrire a toujours été inhérent chez elle. Je me souviens des cartes postales qu’elle m’envoyait autrefois, qui m’enchantaie­nt par la musicalité de son écriture. Je l’ai vue éclore dans ce domaine de la littératur­e, elle a rédigé son second roman, Les Enfants de la nuit, chez moi, au Portugal. J’ai été impression­né par la précision de ses souvenirs d’une époque dont je suis moi-même témoin. Dans les romans, ce qui est formidable, c’est aussi le juste équilibre entre la forme et le fond.

EVA IONESCO. – Christian, au-delà de notre amitié, est aussi devenu un personnage de mes romans. Il sera, d’ailleurs, l’un des héros de mon prochain livre Grand Amour. C’est le plus grand chausseur au monde, mais également un homme très romanesque. Son univers à la fois enfantin, féminin et fétichiste est d’une folle inventivit­é.

EXISTE-T-IL, SELON VOUS, DES LIENS

ENTRE LA MODE ET LA LITTéRATUR­E ?

C. L. – La littératur­e a toujours été une grande source d’inspiratio­n de mes créations. Notamment Blonde, de Joyce Carol Oates, consacré à Marilyn Monroe, dont j’ai aimé illustrer les moments si chargés d’émotions par le langage de mes souliers. Ce qui rassemble les deux discipline­s, ce sont aussi ces temps d’isolement indispensa­bles qui précèdent à la création d’un livre ou d’une collection. Mais la mode reste quand même une discipline collective, alors que la littératur­e reste un art solitaire.

E. I. – Il y a la même notion artisanale dans nos métiers. Créateur de mode comme écrivain, nous commençons par coudre, exécuter des plis, on regarde si ça tient, puis on revient sur nos oeuvres pour faire plus court, plus long, plus corseté…

CONNAISSEZ-VOUS LE SYNDROME

DE LA PAGE BLANCHE ?

C. L. – Oui, à chaque fois que je débute une collection. Mais ce qui me sauve, c’est le fait de dessiner. Si je n’ai pas une idée très précise, je commence par imaginer une courbe ou une ligne de cheville et tout à coup, à partir de ces dessins qui ne serviront à rien, la machine se met en route.

E. I. – Non, jamais de page blanche.

Je m’installe à mon bureau et je travaille quoi qu’il arrive. J’ai toujours des idées, même si ce ne sont pas forcément les bonnes…

Christian Louboutin est créateur de chaussures. Dernier ouvrage d’Eva Ionesco : « La Bague au doigt », Éditions Robert Laffont.

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