UNE PUISSANCE hypnotique
ELLE NE SUPPORTE PAS LES CLICHéS RELATIFS AU MéTISSAGE,
genre un pont entre les cultures, elle ne supporte plus qu’on lui demande sans cesse de se définir, Noire ou Blanche ou les deux, elle étouffe de ne pas savoir quelle est son identité, où est son chez-soi. Alors, la jeune Adikou part pour le Togo, en quête de ce père à peine connu avant qu’il ne s’absente complètement. Part avec elle la narratrice, dont, trouvaille géniale du livre, on ne saura jamais qui elle est. Double d’Adikou, l’une de ses nombreuses et fluctuantes identités ou bien l’auteure elle-même, en charge du récit de ce roadtrip en quête d’un apaisement, le long du golfe de Guinée, au Ghana, au Bénin ; mais aussi dans le Sud américain et ses plantations, lors d’un précédent voyage remémoré. Autant de territoires marqués par l’esclavage et la colonisation. Adikou est en colère, contre l’humanité et son histoire, contre toute cette souffrance infligée, contre toute cette bêtise, dont le racisme est la composante la plus terrifiante.
Adikou se déplace géographiquement, mais le territoire d’appartenance avant tout est la littérature. L’écriture y est d’une richesse surprenante, tirant sa vigueur d’une prise de risque permanente, faisant jaillir la poésie non seulement d’une maîtrise accomplie de la métaphore mais de l’entrechoquement incessant des idées, des sensations et des sentiments, des faits relatés, dans une liberté totale. Un lyrisme âpre qui bondit sans se préoccuper de retomber sur ses pattes, moderne, foisonnant, et qui refuse toujours de se prendre au sérieux. Si bien que la thématique originelle est sans cesse bousculée, dépassée, transcendée, pour nous offrir un monde où tout est métissé, mélangé, insaisissable et d’une étourdissante beauté.