Madame Figaro

CARINE ROITFELD,

Styliste et rédactrice de mode “On change complèteme­nt de personnali­té avec des talons”

- Carine Roitfeld est fondatrice et rédactrice en chef du magazine « CR Fashion Book ».

COMMENT A DÉBUTÉ VOTRE HISTOIRE AVEC LES TALONS ? À l’âge de 40 ans, un jour, je me suis retrouvée face à Mario Testino. Il est très grand et je me suis sentie fragile. À l’époque, j’étais le plus souvent en boots plates. Alors je suis passée instantané­ment aux talons très hauts, 11 cm – aujourd’hui, je suis redescendu­e à 9 cm – et j’ai complèteme­nt changé de silhouette. J’ai senti que ces derniers me donnaient du pouvoir, et surtout que j’avais les moyens de me mettre à la même hauteur que les hommes pour leur parler.

FONT-ILS AUJOURD’HUI PARTIE DE VOTRE SIGNATURE ?

Complèteme­nt. Lorsque je suis entrée au magazine Vogue comme rédactrice en chef, j’ai adopté un uniforme, jupe crayon, tee-shirt ou chemise d’homme et talons. Je me suis créé un personnage. On change complèteme­nt de personnali­té avec des talons. Je n’ai plus jamais quitté les miens. Heureuseme­nt, sinon on passe aussi sa vie à refaire la longueur de ses ourlets.

LES TALONS, ENTRAVE OU LIBERTÉ D’ÊTRE ? On peut se sentir fragile avec des talons, se tordre la cheville, par exemple, cela m’est arrivé plusieurs fois, mais franchemen­t, quand on surgit quelque part avec de la hauteur, on se sent beaucoup plus forte. Il faut quand même savoir les porter pour ne pas avoir l’air ridicule. Les mannequins qui trébuchent à chaque pas sur les podiums, par exemple, c’est pathétique. Les filles juchées sur des talons vertigineu­x photograph­iées par Helmut Newton savaient, elles, parfaiteme­nt se déplacer et avaient vraiment de la prestance.

QU’APPORTENT-ILS À LA FÉMINITÉ ? De jolies jambes, des chevilles fines. J’aime bien aussi le bruit qu’ils font quand on marche dans la rue. En revanche, quand on est assise avec une jupe et des talons, il est impératif de toujours croiser les jambes. Quand les photograph­es nous crient uncross your legs sur les front rows des défilés, je n’obéis jamais !

QUI SONT VOS PIRES ENNEMIS EN TALONS HAUTS ?

Les rues pavées ! En période de Fashion Week, si je ne peux les éviter, je regarde droit devant moi et je ne parle à personne.

LE CAPITAL SÉDUCTION D’UNE FEMME PEUT-IL ÊTRE LIÉ À LA HAUTEUR DE SES TALONS ? Oui, c’est plus séduisant, je trouve, une femme en talons. Mais il faut savoir doser sa tenue pour ne pas paraître vulgaire. Ce qui marche bien, c’est le mélange masculin-féminin. Un beau manteau d’homme avec des stilettos, par exemple.

VOS PAIRES FÉTICHES ? J’ai toujours été bien dans mes Manolo Blahnik. J’aime aussi beaucoup Gianvito Rossi. Quant aux escarpins noirs pointus de Saint Laurent, ils sont exceptionn­els. J’ai également longtemps porté des sandales Alaïa que j’adorais, avec des lacets qui montaient haut sur la jambe.

QUE PENSEZ-VOUS DE L’AVÈNEMENT DU PLAT ?

Quand je dirigeais le Vogue France, j’avais interdit le port des UGG en hiver et celui des tongs l’été. C’est vraiment, pour moi, le début de la fin. Le confort est devenu aujourd’hui une préoccupat­ion dominante pour les femmes. Je les comprends, surtout celles qui ont parfois deux heures de transport pour se rendre à leur bureau. En revanche, je ne saisis toujours pas le phénomène de la basket, même pour les hommes. Je trouve ça très vilain, mais je dois être la seule puisque tout le monde en porte ! ●

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