Une féroce et tendre épopée
COMéDIE OU TRAGéDIE ? C’EST L’APANAGE DES AUTEURS QUI ONT DE LA BOUTEILLE
de savoir associer les deux avec une dextérité phénoménale, si bien que l’on rit et pleure en même temps. L’écrivain américain T. C. Boyle, parmi les plus célèbres de son pays, mêle une saga environnementale aux désastres intimes d’une famille banale. Qu’est-ce qui pousse Cat, à peine installée dans une maison en Floride, au bord de la mer, avec Todd qu’elle est sur le point d’épouser, à entrer dans un magasin de serpents et s’enticher d’un python birman (encore petit) ? De l’autre côté du pays, en Californie, sa mère, Ottilie, préoccupée par la sécheresse qui ne desserre pas son étau depuis des mois, se dote d’un élevage de grillons qu’elle apprend à cuisiner. Son fils, Cooper, biologiste, ne lui a-t-il pas expliqué que les insectes seront la seule source de protéines dans un avenir proche ?
Une piqûre de tique plus féroce que prévu, un mariage emporté par un ouragan, un accouchement en plein déluge à tel point qu’on ne peut rallier la maternité qu’en barque, un serpent qui grossit… La prouesse consiste ici à tisser très serré les caprices de la météo et de la biodiversité avec les vies des protagonistes, en les faisant rebondir avec une intelligence dans la description et un humour pince-sans-rire très maîtrisé. Toute une chaîne d’événements est mise en mouvement, depuis des détails en apparence anodins jusqu’à la catastrophe. L’auteur stigmatise les travers de la société de consommation et notre instrumentalisation de la nature, mais il offre aussi à chaque protagoniste, avec tendresse, des options de résilience dans un monde à sauver. Du grand art.