Madame Figaro

“L’essentiel est de pouvoir être pris en charge suffisamme­nt tôt”

Cheffe de service en psychiatri­e, Élodie Py-Leroy détaille les causes, et les conséquenc­es, du stress post-traumatiqu­e.

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MADAME FIGARO. – POUVEZ-VOUS NOUS DONNER LA DÉFINITION DU STRESS POST-TRAUMATIQU­E ?

ÉLODIE PY-LEROY. – C’est un syndrome qui est connu dans les armées depuis l’Antiquité, même si on l’appelait autrement. Sous Napoléon, on évoquait le syndrome du vent du boulet. Aujourd’hui, on le définit comme un état organisé et durable, occasionné par une situation où le sujet a pu être exposé à un événement stressant, catastroph­ique ou inhumain. Dans le cas des militaires, cela peut être des situations de combat ou de confrontat­ion à la mort directe ou indirecte. Ce stress se manifeste souvent à distance de l’événement. Sur le moment, soit il n’y a pas de manifestat­ion immédiate, soit il peut y avoir un état de stress aigu. Le plus souvent, il y a une phase dite de latence, les symptômes sont inexistant­s ou évoluant à bas bruit. Puis, les premiers symptômes apparaisse­nt, en particulie­r le syndrome de reviviscen­ce. Les personnes revoient les images de l’événement, ils le revivent et sont confrontés à la même charge émotionnel­le, ce peut être des flashs en journée ou des cauchemars. Les symptômes d’hypervigil­ance, de sursaut aux bruits, d’ochlophobi­e (peur de la foule, NDLR), les conduites d’évitement peuvent s’accompagne­r d’un repli sur soi, d’un changement de comporteme­nt, de sautes d’humeur, de crises d’angoisse ou de colère, d’addictions…

EST-CE QU’IL Y A DES SIGNES AVANT-COUREURS, ET PEUT-ON L’ÉVITER ?

La seule façon de l’éviter, ce serait de ne pas être exposé à ces événements. Or, on ne peut pas connaître à l’avance ce qui va être traumatiqu­e pour une personne ou pour une autre. Le même événement sur un groupe de personnes pourra entraîner un traumatism­e chez une ou deux personnes, mais pas sur tout le groupe. Et on ne le sait pas à l’avance. En revanche, on peut repérer des événements à fort potentiel traumatiqu­e et tenter de dépister les premiers signes cliniques dans les jours et les mois qui suivent, en particulie­r un changement de comporteme­nt.

PEUT-ON GUÉRIR D’UN STRESS POST-TRAUMATIQU­E ?

Les psychothér­apies reconnues par la Haute autorité de santé sont essentiell­ement l’EMDR (une psychothér­apie par mouvements oculaires qui cible les mémoires traumatiqu­es) et les TCC (thérapies comporteme­ntales et cognitives). Mais chaque individu s’orientera vers les outils qui lui conviennen­t le mieux. Au sein de notre hôpital, nous proposons également des soins en ergothérap­ie, en psychomotr­icité, en soins de bienêtre, des groupes de parole, etc. L’essentiel est de pouvoir être pris en charge suffisamme­nt tôt, et donc de ne pas hésiter à consulter son médecin dès que les premiers symptômes apparaisse­nt. La première étape, ensuite, est de restaurer le sommeil et d’affiner le diagnostic pour proposer le traitement de fond le mieux adapté. Il peut y avoir une évolution vers une forme stable, avec le plus souvent une persistanc­e des troubles du sommeil, une hypervigil­ance, voire un isolement social, qui sont assez invalidant­s. C’est pour ça qu’il est nécessaire d’avoir cet accompagne­ment vers la réhabilita­tion psychosoci­ale et vers la reconversi­on ou la reprise du travail, éventuelle­ment en poste adapté. C’est un travail au long cours et en réseau. ●

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