Des mots pour le dire
D’Où PROVIENT CETTE ATMOSPHèRE SI PARTICULIèRE et si lumineuse ? Du fait, sans doute, que ce livre est une lettre de Minh Tran Huy (fidèle collaboratrice de Madame Figaro) à son fils de 2 ans et demi (qui la lira plus tard), avec tout ce que cela suppose de sincérité et d’émotion. Le petit Serge a un frère aîné de 10 ans, Paul, qui souffre d’un autisme sévère : il n’a pas d’interaction, ou très peu, avec les autres, il ne parlera jamais, il ne peut rester sans surveillance, il est souvent mû par une grande agitation. Alors la maman de Serge et de Paul tente de dire le combat de chaque instant qu’elle mène avec son mari, et qui les a menés au bord du gouffre. Mais ils ont tenu bon, et un deuxième enfant est arrivé, à qui elle veut dire la joie sans égale qu’il leur apporte, à qui elle dit aussi qu’il n’est pas là pour remplacer, réparer, compenser…
L’auteure revient sur l’exil de ses parents vietnamiens, dont les familles ont été très éprouvées pendant la guerre, et qui sont devenus des scientifiques respectés en France. Comment il lui a fallu le handicap de Paul pour enfin remettre en question l’injonction parentale à la réussite scolaire qui l’a emprisonnée toute son enfance, et pour comprendre comment la méritocratie à la française génère in fine beaucoup trop de décisionnaires coupés de la réalité, dénués d’empathie et de goût pour le bien commun.
Et il faut bien malheureusement redire à quel point la France est en retard dans le traitement de l’autisme, et dans quel abandon inadmissible elle laisse les familles. L’épuisement et le désespoir, mais aussi la magie de l’enfance, tout cela se raconte dans une écriture enlevée et poétique qui sublime un quotidien infernal pour en débusquer la beauté. Parent ou non, lisez absolument cette lettre magnifique.