Madame Figaro

● Stéphane Bodin

“Coiffer, c’est comme une chorégraph­ie. Il y a de la grâce dans le mouvement. Parfois, un petit accident, une petite mèche apportent de la poésie dans une image”

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LES PREMIERS PAS

« Selon ma mère, je dansais déjà à 3 ou 4 ans. J’ai le sentiment d’être né pour ça. À Vendôme, mon père tenait un magasin de vêtements juste en face d’une école de danse. Très jeune, vers 7 ans, j’ai demandé à y aller “avec la dame qui tape le bâton”. À partir de ce moment-là, j’ai respiré, mangé, vécu danse. Pour un jeune garçon de province, imaginez tout ce que j’ai pu entendre au collège… mais ça glissait sur moi. La danse était plus forte que tout. C’était plus difficile à accepter pour mon père que ma mère, mais il y a une fibre artistique dans la famille : mon grand-père était violoniste, ma mère férue de musique, et mon petit frère travaille dans le costume à l’Opéra Comique. »

LE GRAND SAUT

« Comme je suis grand, je n’avais pas ma place à l’Opéra. J’ai très vite été attiré par le music-hall, les grandes comédies musicales, Les Chaussons rouges, West Side Story, Cats, les films de Marilyn. J’ai passé beaucoup d’auditions à Paris, et n’ai pas arrêté de travailler pendant douze ans. Deux au Paradis Latin, quatre au Lido (ci-dessous). Pour mes derniers contrats, je travaillai­s à l’Opéra Comique avec Jérôme Savary pour La Vie parisienne et La Veuve joyeuse. Je garde de toutes ces années, pleines de rencontres et de voyages, un souvenir féerique. Mais, dans ce métier, on tire tôt sa révérence et les reconversi­ons sont difficiles. Quand j’ai décidé d’arrêter, j’ai vraiment tourné la page et n’ai aucune frustratio­n à oeuvrer dans l’ombre. Je me suis lancé dans mon nouveau métier avec autant de passion que pour la danse. Pour assurer mes arrières, j’avais aussi fait une formation de coiffure. Pas du tout les mêmes connexions, les mêmes réseaux. J’ai eu la chance de rencontrer la bonne photograph­e au bon moment, et j’ai beaucoup, beaucoup travaillé. J’en ai passé des week-ends à faire des shootings ! Après la danse, tout semble facile : elle m’a appris la discipline, l’acharnemen­t. L’hiver, on arrive très tôt sur le plateau, les muscles sont froids, c’est dur. Il n’y a pas de filet. Ses pirouettes, il faut les passer. J’ai aussi rencontré Bérénice Bejo, qui a joué un grand rôle dans ma carrière. Je m’occupe d’elle depuis dix ans, je l’aime beaucoup. Après la cérémonie des César en 2003, j’ai vite enchaîné : Cannes, Deauville, la Mostra de Venise. Je coiffe régulièrem­ent Marina Hands, Noémie Merlant, Alice Taglioni, et aussi Laura Dern, Katie Holmes, Catherine ZetaJones quand elles viennent en France… »

La nouvelle scène

« J’aime les belles textures, les matières naturelles, la brillance, ce que demandent beaucoup les actrices étrangères. Et, comme dans ma première vie j’ai travaillé et vécu aux États-Unis, cela m’a donné une certaine maturité pour côtoyer les célébrités, pour comprendre leur stress, leur angoisse. Les actrices aiment les coiffeurs et maquilleur­s garçons qui ont un peu de bouteille. Elles se sentent plus en confiance, moins jugées. Je leur donne aussi des conseils pour leur corps. Je ne danse plus, mais je fais du sport, cardio et musculatio­n. Je m’entretiens. Le corps d’un danseur est un ordinateur. Même si au fil des ans, on perd en souplesse, tout est en perpétuel mouvement chez moi. Coiffer, c’est comme une chorégraph­ie.

Il y a de la grâce dans le mouvement. Parfois, un petit accident, une petite mèche apportent de la poésie dans une image. Je suis très inspiré par la peinture, la sculpture, le piano, Chopin. La musique de mon enfance, à la fois mélancoliq­ue et virevoltan­te. Je vais encore beaucoup à l’Opéra Garnier. Je suis fan d’Hugo Marchand. Je trouve toute la nouvelle génération, Germain Louvet, Hannah O’Neill, formidable. »

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