Intime expérience
CHRISTINE ANGOT FAIT SON CINÉMA.
On la connaissait écrivaine, auteure de romans, tenante de l’écriture de soi (elle réfute le terme d’autofiction), dramaturge, lectrice intense de ses textes, chroniqueuse véhémente (ou pas) à la télévision et à la radio. La voici cinéaste avec un opus qui s’inscrit dans le genre du documentaire (il vient d’être présenté à la Berlinale), mais il s’agit de cinéma et donc d’un film (soutenu par la fondation Kering). Une famille revient sur l’inceste, qui est le coeur de son oeuvre, qui irrigue tout ce qu’elle est et produit. Elle a déjà écrit L’Inceste puis Une semaine de vacances, Un amour impossible, Le Voyage dans l’Est (prix Médicis 2021), dont Stanislas Nordey a particulièrement réussi l’adaptation au théâtre. Tout a débuté par une invitation à un salon littéraire à Strasbourg, la ville du père qui a fait subir l’inceste à sa fille à 13, puis à 26 ans. Angot revient sur les lieux, cette fois avec une caméra tenue par Caroline Champetier, grande cheffe opératrice, et sonne chez sa belle-mère. S’en suit une scène d’anthologie, d’une rare violence, sur le déni. Comme toujours, Angot, avec sa sensibilité d’écorchée, est en quête de vérité. Et ces images, ni reconstitution de téléréalité ni scénario fictionnel comme Festen, feront date. Il s’agit d’une scène réelle, du pur présent. À cela, s’ajoutent les personnages, la mère, l’ex-mari, la fille, une photo du père décédé qui composent… Une famille. 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Le film d’Angot est un choc.
« Une famille », de Christine Angot.