LA CHRONIQUE DE● COLOMBE SCHNECK CHRONIQUE
AU PRINTEMPS 2020, c’était le confinement, David Hockney a peint l’émerveillement suscité par son jardin : le cerisier, le figuier, des premiers bourgeons aux fleurs, les fruits qui mûrissent, la couleur et la lumière sur les feuilles. Quand j’ai cherché des textes sur ces tableaux, ils mentionnent que le peintre a figuré des « arbres », sans jamais préciser leurs noms. J’ai pu retrouver qu’il avait peint un cerisier et un figuier parce qu’il les nommait dans un entretien. Si j’avais été accompagnée de Jo, le compagnon de la narratrice du Goût du bonheur, j’aurais pu l’interroger : Sophie Avon, l’auteure, le décrit au potager, courbé, cultivant des tomates sous la canicule. Dans des pages magnifiques, elle décrit une campagne dans les Landes, une maison achetée par le frère de la narratrice, ouverte à sa soeur et à son beau-frère. « Après le portail, une piste de sable et de gravier conduisait à la forêt de pins dont les troncs écarlates sentaient la résine. Le vent les avait ployés par rangées entières, ils étaient inclinés, parfois emmêlés dans une amorce de chute suspendue par miracle. Les tempêtes successives en avaient déraciné certains. On y déchiffrait les fléaux qui avaient frappé, et dont nous pensions avec candeur qu’ils ne se reproduiraient pas avant longtemps. » Elle décrit, comme l’a fait David Hockney, un paradis, il s’est limité à cent jours, le laissant à son acmé, à la fin du printemps, elle le peint sur deux années et raconte l’été brûlant et l’arrivée du feu. Elle continue : « Les souffrances du paysage avaient donné naissance à un sentiment farouche de résistance. Il y a urgence à se battre, me répétais-je. Le combat était permanent, même quand tout paraissait paisible. Il fallait lutter, non pas tant contre d’autres que contre soi. » C’est un très beau roman sur le paradis et sa transmission. ●