UNE VIE EN FLASH-BACK
MRS FLEMING RAJEUNIT À VUE D’OEIL.
Ou tout du moins, au fil des pages. Dans La Longue-vue, l’un des meilleurs romans d’Elizabeth Jane Howard jusqu’ici (et ce n’est pas peu dire), tout commence par la fin. Ainsi, son héroïne remonte-t-elle le temps de 1950 à 1926. Ce soir, les époux Fleming reçoivent en leur belle demeure de Campden Hill Square, à Londres, pour célébrer les fiançailles de leur fils Julian. La soirée est morose et laisse entrevoir à Antonia l’échec de son propre mariage et les naufrages sentimentaux à venir de ses enfants. La mère de famille s’adonne alors à une rétrospection intime de ces deux dernières décennies. De 43 ans à 19 ans, de salons londoniens en plages tropéziennes, de promesses en trahisons, elle redevient, à l’aide d’analepses d’une grande virtuosité, Toni, la jeune fille candide et innocente qu’elle fut. Las, la vie et son mariage avec « un homme d’une suffisance absolue, d’un égoïsme pur » ont fait leur oeuvre. Antonia n’est plus qu’une dame raide et distante. Conrad Fleming, lui, est la quintessence du sale type. Le genre à dire à sa femme : « J’ai été extraordinairement amoureux de toi, autrefois. » Mais à mesure que son histoire se raconte à rebours, Antonia se déleste du poids des années et de leurs cruelles leçons pour gagner en profondeur et en attrait. Elizabeth Jane Howard est sans conteste l’un des plus grands auteurs du siècle dernier. De l’inoubliable Une saison à Hydra à l’ambitieuse Saga des Cazalet jusqu’à La Longue-vue, rien n’échappe à son regard clairvoyant et à sa langue caustique. De l’aristocratie à la domesticité et de grandes passions en désillusions, les larmes ont ici un goût de brandy, et le roman est absolument grisant.