COLOMBE SCHNECK
CELA DOIT ÊTRE
MA CONSOLATION, parce que l’amour est si difficile, de lire des histoires d’amour qui finissent mal, plutôt qu’« ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». Je n’aime pas les récits violents, ils me font peur, mais quand une femme quitte son mari (mais je ne veux pas que l’époux quitte son épouse, cela me fait trop de peine), ou se met en colère comme dans Mon cher mari, les ébouriffantes nouvelles de Rumena Bužarovska, où une femme poursuit un époux qui la trompe et va jusqu’au bout de son plan de vengeance, je trouve cela jubilatoire. Oui, c’est une de mes mauvaises pensées. Si c’est compliqué pour moi, j’aime que cela le soit pour les autres.
Lire des histoires de rencontres heureuses (telle la fin de Yoga, où Emmanuel Carrère écrit être sauvé par la rencontre d’une nouvelle jeune femme) ne me rend pas jalouse, mais cela me déprime. Je serais donc la seule au monde ? Elles, de la grande romancière italienne Alba de Céspedes, se termine mal, mais ce n’est pas pour cette raison que mes quelques soirées, emportée par cet ample roman, ont été particulièrement heureuses. Cela se passe à Rome et dans les Abruzzes, des années 1930 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. J’ai souffert pour les personnages, même les plus soumis à l’ordre, même ceux qui ne veulent rien changer, même le père et le mari, car il y a beaucoup d’humanité et d’amour dans Elles. L’amour entre une mère et sa fille, une petite fille et sa grand-mère, une nièce et son oncle, entre des hommes et des femmes. Oui l’amour est difficile, nous écrit Alba de Cespèdes, mais il existe, parfois bien enfoui, parfois impossible, mais il est là tout autour de nous, et certains livres nous permettent de le dévoiler.