Madame Figaro

.L’ère du neuroglow

Sentir bon et se sentir bien, booster sa peau et sa confiance en soi, se maquiller et rayonner… Aujourd’hui, grâce à la révolution des neuroscien­ces, les cosmétique­s ciblent le corps et l’esprit.

- * Coordonné par Patrice Bellon, Cosmetic Valley Éd., 2021.

LE TEINT QUI RAYONNE QUAND ON EST AMOUREUSE, les boutons qui éclosent en cas de stress… Il y a des lunes qu’on connaît les liens entre peau et cerveau, qui ont la même origine embryonnai­re. Ils causent même en permanence, via des hormones ou des molécules chimiques, dont les neuromédia­teurs. « Quand on applique .NOS une crème, 70 millions de nerfs sont activés et 10 000 billions de connexions sont traitées en 600 millisecon­des », déclarent les laboratoir­es Chanel qui, en une seule journée, testent la signature sensoriell­e de 500 formules. ÉMOTIONS À LA LOUPE

C’est dans les années 1990, grâce aux travaux sur les peaux sensibles, que l’on a commencé à explorer le système nerveux cutané. En 2024, les neuroscien­ces et l’IA sont passées par là et, peu à peu, on le comprend de mieux en mieux.

« Faire référence aux émotions et au bien-être est devenu courant dans le domaine cosmétique, mais le dire est une chose, le démontrer en est une autre », note Arnaud Aubert, enseignant­chercheur en neuroscien­ces et psychophys­iologie à l’université de Tours, qui a participé à l’ouvrage Cosmétique­s, parfums et émotions : l’apport des neuroscien­ces *. Ces 200 pages très documentée­s montrent bien qu’étudier et mesurer les émotions n’est pas si simple. C’est même un phénomène ultracompl­exe, qui met en jeu la dimension cognitive, physiologi­que, comporteme­ntale… Obtenir des résultats fiables nécessite des outils et des protocoles précis. La joie, la tristesse, la peur, la surprise… Dans les labos, toutes nos émotions sont mises à nu avec des instrument­s dignes de détecteurs de mensonges : électroenc­éphalogram­mes, caméras thermiques, imagerie par résonance magnétique fonctionne­lle… Les labos d’analyse sensoriell­e ne se contentent plus de simples questionna­ires. On y étudie le rythme cardiaque, la températur­e et la conductanc­e cutanée, la pression artérielle, l’amplitude respiratoi­re, la posture, le diamètre pupillaire. L’eye tracking analyse les mouvements oculaires comme indicateur de l’attention. On mesure l’intensité, l’intonation le rythme de la voix, on fait des dosages hormonaux et salivaires, on enregistre les expression­s faciales et même les légères variations de couleur de l’épiderme. Ainsi, avant son lancement, la routine de la gamme N° 1 de Chanel a été testée via des mesures neuroscien­tifiques, .un et la maison de luxe s’intéresse de près à la technologi­e DeepBlue, qui permet de visualiser les émotions en temps réel, grâce à des électrodes placées sur le crâne. équilibre sensoriel

« Dès 1984, Shiseido a mis au point des protocoles d’évaluation de l’impact des parfums sur les systèmes nerveux, immunitair­e et endocrinie­n, rappelle Nathalie Broussard, responsabl­e de la communicat­ion scientifiq­ue. Aujourd’hui, on a prouvé qu’une texture pouvait activer les zones cérébrales liées au plaisir, au système de récompense et à l’attachemen­t. On a observé une analogie entre l’activité neuronale lors de l’utilisatio­n des cosmétique­s et celle des différents stades d’une relation amoureuse. » Du coup de foudre au mariage, on aime nos produits cultes comme notre douce moitié.

Sept ans de recherche et plus de 3000 heures d’analyse du sommeil ont été nécessaire­s à la société de parfum Givaudan pour élaborer le parfum du nouveau Baume de Nuit Multistrat­e Régénérant Or Rejuvenic, signé Carita. Ce sillage breveté, testé avec l’université de Loughborou­gh, procure des nuits plus paisibles, et la texture fondante a, elle aussi, des vertus calmantes.

Même démarche chez Til, dont l’actif phare, le tilleul, agit à la fois sur la peau et l’esprit. Outre les effets du produit sur l’éclat, le parfum, créé par le parfumeur Francis Kurkdjian, a fait l’objet d’un protocole élaboré par le laboratoir­e neuroscien­tifique d’Arnaud Aubert. En récompense, un état d’apaisement et de réconfort immédiat et durable.

Aujourd’hui, la planète Beauté est passée à l’étape suivante, celle des ingrédient­s neurocosmé­tiques bio-actifs capables d’améliorer l’aspect de la peau tout en apportant un bénéfice émotionnel et en positivant la perception de notre apparence. Un phénomène qui n‘est pas du goût de tout le monde : « Certains fabricants prétendent ou laissent entendre que l’applicatio­n de leurs produits sur la peau peut avoir des effets directs sur le système nerveux et le cerveau, donc sur le psychisme et l’humeur. Si tel était le cas, le produit devrait être immédiatem­ent retiré

du marché pour éviter tout risque de dépendance », alerte le groupe psychoderm­atologie de la Société Française de .L’EFFET

Dermatolog­ie. OK, certaines marques exagèrent sans doute les bénéfices psychiques de leurs crèmes, mais on n’a encore vu personne sous emprise cosmétique ou accro à l’eau de toilette. Ou alors, il faut d’abord interdire tabac, vin, chocolat et smartphone. PEAU D’âME

« La peau a des neurones, des yeux, des narines et peut-être même des oreilles », confirme José Ginestar, directeur de la recherche Sisley qui, après dix ans de recherche, lance Neuraé, la première marque de soin de la peau entièremen­t basée sur les neuroscien­ces et le prisme des émotions. Au menu bien-être, des neuro-ingrédient­s, des neurofragr­ances et des neurotextu­res. « On agit à la fois sur les cellules, la peau et l’esprit », explique son maître d’oeuvre. Comment ? « Via les neuromédia­teurs, qui constituen­t le langage peau-cerveau. On a ciblé les positifs, comme les endorphine­s, qui génèrent de l’euphorie et réduisent l’inflammati­on, et le Gaba, l’agent de relaxation qui réduit l’anxiété et favorise la cicatrisat­ion. On s’est aussi intéressé aux négatifs, comme le cortisol, l’hormone du stress qui affaiblit et sensibilis­e la barrière cutanée, et le CGRP, qui génère de l’inflammati­on et augmente la sensation de douleur. Ensuite, nous avons identifié des phyto-actifs brevetés capables d’encourager les messages positifs et de freiner les mauvais. » Quatre parfums ont été créés selon les principes de l’olfactothé­rapie et des textures ont été réalisées avec l’aide des neuroscien­ces. Au final, trois routines avec un Sérum commun breveté qui réharmonis­e, une Émulsion Joie qui euphorise et donne de l’éclat, un Baume Sérénité qui relaxe et lisse, une Crème Énergie qui donne du ressort au mental et à la peau. Avec pour chacune un roll-on SOS booster d’émotion (voir p. 90, notre nature morte sérénité). « Les résultats se voient et se ressentent, précise José Ginestar. Et ils ont dépassé de loin nos attentes. Non seulement les hypothèses sont validées, mais nous avons vérifié que la communicat­ion entre la peau et le cerveau, qui s’affaiblit avec l’âge et les stress, se trouve améliorée. » Et, bien sûr, tout est le plus naturel et durable possible, comme il se doit aujourd’hui. Même la planète a besoin de bien-être.

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TOP EN JERSEY, SHORT EN MOUSSELINE, Chanel, CRéOLE Chanel Joaillerie.

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