Colombe Schneck La chronique de●
CHRISTINE
ANGOT DIT que la littérature est sa deuxième maison. Nous sommes nombreuses et nombreux à vivre dans cette maison. Comme dans une famille, il y a des engueulades, des débats, des réconciliations. C’est ce que je recherche aujourd’hui, partout, de manière obsessionnelle, des lieux de conversation, des maisons pour se réunir. J’ai pensé à cela en regardant Delphine Horvilleur et Dominique Eddé à La Grande Librairie, deux écrivains qui se lisent, s’écoutent, se parlent et ne sont pas toujours d’accord.
Le roman de Dominique Eddé se passe à Beyrouth, après un 4 août qui n’est jamais signifié davantage que par cette date. Les personnages vivent dans un palais, celui de la famille Mawal. Il y a une histoire d’amour, des liens, mais ce qui m’a attirée, c’est ce palais. Elle décrit une vieille maison rose qui résiste encore, elle est « mi-ottomane, mi-italienne », un salon où des meubles en rotin ou en bois clair ont remplacé les meubles anciens, une entrée gardée par des colonnes de marbre, les vitres ont disparu, mais « le délabrement de sa toiture et de ses murs est antérieur à l’explosion du port qui, hormis quelques dégâts antérieurs, l’a étrangement épargnée ».
Après une scène terrifiante, une petite fille de 12 ans est vendue en mariage pour 500 dollars, elle retourne au palais, « toutes les roses du jardin étaient ouvertes, lorsque Riad est entré au palais. Des centaines de boutons de gardénias commençaient à blanchir, une cascade de jasmins couvrait deux étages ». Elle écrit : « Les gens ne s’écoutent plus dans ce pays. Ils n’en ont plus la force, plus les moyens. » Que faire alors ? En la lisant, je cherchais, comme ses personnages, à me réfugier dans son palais, écouter la fontaine, m’asseoir sur un canapé en cuir.
Comme dans le roman de Dominique Eddé, la littérature est un merveilleux palais étrangement épargné par les dégâts du monde. Elle est une maison qui a montré depuis des siècles sa solidité, elle a pris de nombreuses formes, ses habitants, tous différents, sont en désaccord, parlent une langue commune qui leur permet de poursuivre une conversation sans fin.