Colombe Schneck
DEPUIS LE 7 OCTOBRE, je cherche des lectures qui me consolent, qui me rappellent qu’il existe une humanité commune. C’est ainsi que j’ai découvert cette biographie d’Érasme par Stefan Zweig. De Zweig, j’avais été enchantée par son portrait de Marie-Antoinette, la reine capricieuse se révélait avoir été une combattante. Avant de lire Érasme, je savais à peine qui il était, sauf qu’il avait un rapport avec Erasmus, le programme d’échange des étudiants européens. Érasme, prêtre catholique du XVIe siècle, a été le « seul à être fidèle à l’humanité plutôt qu’à un clan », une star à son époque grâce au succès d’Éloge de la folie, où il racontait, avec un humour qui a déjoué la censure, la folie des puissants.
« Sous son masque de carnaval », il est le texte qui va permettre les premières critiques de la papauté et des indulgences. Cette possibilité d’acheter son salut aux princes de l’Église n’est-elle pas une forme de folie ?
Cet Érasme est publié en 1934, un an après l’arrivée au pouvoir de Hitler, Zweig, réfugié à Londres, étudie le XVIe siècle comme une manière d’élucider ce qui se passe en son temps. D’un côté Érasme, en face de lui l’intransigeant Martin Luther qui a enflammé l’Europe avec sa Réforme. Érasme, à l’opposé, avec sa « main timide et parfois incertaine » écrit : « C’est le sort du fanatisme de se détruire de lui-même. » Érasme veut comprendre. « Il ne juge les choses de l’esprit et de la religion que du point de vue humain. » Il est nommé médiateur pour tenter un dialogue. La question en débat est celle du « libre arbitre », l’homme peut-il agir, décider, ou est-il entièrement aux mains de Dieu. Érasme est vaincu, il y aura la guerre. Pourtant, sa vision – « le devoir suprême de l’humanité est de devenir toujours plus humaine » – continue à illuminer l’Europe des siècles après.