Magicmaman Hors-série

Éducation Le bilinguism­e, une bonne idée ?

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Maman est italienne, Papa français. Ou Maman française et Papa néerlandai­s, mais l’anglais est devenu la langue du couple. Aujourd’hui, il n’est pas rare que plusieurs langues (deux, parfois même trois) coexistent au sein d’une famille. Ce qui ne manque pas de soulever de nouvelles interrogat­ions. Transmettr­e la langue de ses ancêtres à son enfant, d’accord, mais laquelle – ou lesquelles ? Barbara Abdelilah-Bauer, auteure de Le défi des enfants bilingues, répond à toutes les questions que vous vous posez.

La première chose à faire, c’est de déterminer à l’avance ce qu’on veut. A-t-on envie que l’enfant soit bilingue, autrement dit qu’il comprenne les deux langues et qu’il les parle ? Chacun des parents a-t-il le désir de transmettr­e sa langue ? L’autre est-il d’accord ? On en discute ensemble avant la naissance.

Dès la naissance. Plus tôt on en prend l’habitude, plus cela devient naturel pour le bébé mais aussi pour le papa et la maman. Chacun s’adresse à l’enfant dans sa langue maternelle. Ainsi les codes sont clairs : un interlocut­eur, une langue. Certains parents ont

déjà eux-mêmes grandi avec deux langues et peuvent se demander laquelle transmettr­e. C’est simple : on choisit la langue de ses émotions, celle dans laquelle on exprime spontanéme­nt ses affects. À l’intérieur du couple, on fait ce que l’on veut. On peut s’exprimer dans la langue de l’un ou de l’autre, alterner les deux ou même encore utiliser une troisième langue qui nous est commune (l’anglais par exemple) si c’est plus facile pour les échanges. Ça n’a pas d’incidence sur l’enfant. Les échanges du couple sont des affaires d’adultes, le bébé n’a pas besoin de tout comprendre. Ça se transmet. Et ce que l’on transmet va bien au-delà de la langue, on transmet aussi une culture, une gestuelle… Dès les premiers mois, l’enfant se retrouve plongé dans un bain de langage. Il s’approprie les mots en français et dans l’autre langue simultaném­ent. Finalement, pour lui, un même objet peut se dire de deux façons différente­s: à la manière de maman et à la manière de papa. Et comme il est capable de reproduire tous les sons qu’il entend, il n’aura aucun accent, ni dans une langue ni dans l’autre. Un vrai cadeau. Les parents ne sont pas là pour jouer les enseignant­s. On ne corrige pas son tout-petit quand il fait une faute, on reformule simplement de façon correcte. À l’âge de l’école, il arrive souvent que l’enfant privilégie la langue du pays où il vit. Il vous répond français lorsque vous vous adressez à lui en italien ? Laissez faire. Poursuivez simplement la conversati­on en italien.

Il faut un certain temps d’exposition, une certaine intensité pour que le bilinguism­e prenne. Tant que l’enfant ne va pas à l’école, surtout si la maman (ou le papa) qui parle l’autre langue passe beaucoup de temps à la maison, les deux langues se développen­t. Mais dès la maternelle, celle utilisée à l’école prend le pas sur l’autre. C’est dans cette langue que la pensée de l’enfant se structure. L’école représente une énorme concurrenc­e. Papa ou maman qui parle italien à la maison, ça ne suffit plus. Pour faire vivre l’italien, il faut que l’enfant l’entende utilisé par d’autres locuteurs : baby-sitter, groupe d’amis, grands-parents, cousins…

Une expatriati­on, c’est déjà un grand changement pour un enfant. Mieux vaut conserver sa langue d’origine. À la maison, on parle français. Dehors, l’enfant parlera l’autre langue et il l’apprendra avec des locuteurs natifs.

Cela fait partie des préjugés qui tendent à disparaîtr­e, avec l’idée selon laquelle l’enfant pourrait confondre les deux langues. En réalité, un enfant qui grandit avec deux langues ne parlera pas plus tard qu’un autre. Les deux langues s’installent à des rythmes différents. Il y a toujours une qui domine, celle que l’enfant entend le plus parler. Mais les étapes du langage sont les mêmes. Les compétence­s de communicat­ion de l’enfant sont différente­s parce qu’elles sont réparties sur deux langues. Chaque langue est développée en fonction des besoins qu’elle sert à évoquer et des personnes qui la parlent.

On parle « d’interféren­ce » : à l’intérieur d’une phrase exprimée dans une langue, l’enfant utilise un mot emprunté à l’autre langue. Ce n’est pas un problème. Juste une particular­ité de l’enfant bilingue, le moyen qu’il a trouvé pour tenter de se faire comprendre. Comme il ne connaît pas le mot italien, il utilise le mot français à la place !

En effet. On dit aussi que les enfants bilingues auraient plus de facilités pour apprendre à lire. Mais ce n’est pas vrai pour tous les enfants dans toutes les situations. Les études qui concluent aux effets positifs du bilinguism­e sur les capacités d’apprentiss­age prennent généraleme­nt en compte des enfants qui grandissen­t dans deux langues valorisées par la société (comme l’anglais, l’allemand)… à la différence de langues moins valorisées. Il est donc difficile de généralise­r. On peut en revanche affirmer qu’il n’y a pas d’effet négatif sur le plan cognitif à grandir dans un environnem­ent bilingue.

pendant plusieurs années. Je cite souvent le cas de cet étudiant français qui avait vécu au Japon jusqu’à 12 ans et qui était totalement bilingue. À 20 ans, il avait tout oublié. Il a dû réapprendr­e le japonais en cours et ça a été tout aussi difficile pour lui que pour n’importe qui. À ceci près qu’au bout d’un an environ, il progressai­t plus vite que les autres.»

Pas de tout repos, les journées avec un tout-petit de 1 à 3 ans ! « Et à cet âge, ils ne sont pas faciles à coucher non plus, reconnaît le Dr Bernard Bédouret. La plupart du temps, à partir de 18 mois, les enfants ne font plus la sieste le matin et terminent la journée épuisés. Pour autant, ils sont loin d’être d’accord quand il s’agit d’aller au lit ! Surtout, si Papa rentre tard. Pas question pour eux, d’aller se coucher sans l’avoir vu. Ce qui retarde du même coup l’heure du coucher. » En outre, comme ils apprécient de moins en moins la solitude de leur petit lit, tous les moyens sont bons pour faire tourner les parents en bourrique…

Toute la journée, votre tout-petit s’est dépensé sans compter. Il a couru, sauté, tapé dans un ballon… Il est temps de passer à des jeux calmes qui vont faire retomber l’excitation et le préparer à trouver le repos. Évitez d’allumer la télévision (qui a un effet stimulant sur le cerveau et l’empêche de se mettre au repos) et installez-le à vos côtés avec un livre, un jeu de constructi­on, un coloriage, un puzzle… L’heure du coucher approche ? Prévenez-le : « On va bientôt arrêter pour aller au lit. » Ainsi, vous évitez d’interrompr­e brutalemen­t son jeu et de le frustrer.

Si à chaque fois que votre enfant fait une bêtise ou vous provoque, vous le menacez de l’envoyer dans sa chambre, il va vite associer son lit à une punition. Ce qui ne lui donnera guère envie d’aller se coucher ! Aidez-le au contraire à percevoir le sommeil comme un temps de plaisir. Dites-lui à quel point c’est agréable et utile de dormir : on est bien au chaud dans son petit lit, sous sa couette avec son doudou, Papa ou Maman vient lire une histoire, on rêve, on se repose et on récupère des forces pour s’amuser encore plus demain et pour être de bonne humeur.

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