Magicmaman

Jamais sans prévenir

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Quand Sandra a dû quitter son petit Lucas pour reprendre le travail, ce fut tout simplement l’horreur. «Le dimanche précédent, j’ai pleuré toute la journée. Je ne pouvais pas soutenir son regard. J’avais l’impression que j’allais l’abandonner», confie la jeune femme. Comme Sandra, beaucoup de mamans vivent difficilem­ent la première séparation. Fût-elle de courte durée. «Avec mon mari, nous devions passer quelques jours en amoureux au bord de la mer, raconte Mélanie. Après plus de deux mois à vivre en tête-à-tête avec mon bébé, j’en avais envie ! Sauf qu’au bout de quarante-huit heures, je n’avais plus qu’une idée: retrouver mon fils. Le savoir loin de moi m’était insupporta­ble. » Selon Christine Brunet, psychologu­e, ces réactions n’ont rien d’étonnant : « La première séparation fait mal, reconnaît-elle. C’est la fin d’un état fusionnel. Après avoir échangé des émotions très fortes avec son bébé, il faut sortir de la bulle dans laquelle on a vécu.» Autrement dit, couper une seconde fois le cordon. Un geste qui, bien que symbolique cette fois-ci, soulève de grosses appréhensi­ons : comment imaginer que ce petit être si fragile et si dépendant va pouvoir vivre sans nous? Et qui saura, comme nous, décoder ses pleurs, le rassurer quand il est inquiet ou le câliner quand il a besoin de tendresse ? « Les mères pensent être les seules capables de comprendre leur bébé et de lui apporter ce dont il a besoin, remarque Béatrice di Mascio, pédiatre. En outre, elles ont peur de tout ce qui pourrait arriver lorsqu’elles ne sont pas là, un peu comme si leur simple présence écartait le danger. » « A l’angoisse des mères de quitter leur enfant s’associe souvent un fort sentiment de culpabilit­é», reprend Christine Brunet. Ainsi, s’il faut laisser son bébé quelques jours ou quelques heures pour convenance personnell­e, on se dit que l’on pourrait peut-être s’en passer. Lorsqu’il s’agit de reprendre le travail, on se dit que l’on pourrait s’organiser pour faire autrement. Surtout lorsque notre propre mère est restée au foyer pour nous élever! Ces états d’âme arrivent souvent sans prévenir. « J’avais toujours pensé que je reprendrai­s ma vie profession­nelle après ma grossesse, explique Caroline, jeune chef de publicité. Mais l’arrivée de mon bébé a tout bouleversé. Quand le moment est venu de le quitter, j’ai compris que ce ne serait pas possible, que je ne pourrais pas lui faire ça ! »

Nous sommes ainsi nombreuses à imaginer qu’en reprenant le travail, nous imposons à notre bébé une véritable souffrance. « Les premiers jours, je me disais que Lucas allait me chercher partout, éprouver un manque, une terrible tristesse », relate encore Sandra, qui s’est pourtant vite rassurée en voyant son petit garçon retrouver sa nourrice avec le sourire chaque matin. « On se fait tout un monde de la souffrance supposée de l’enfant, mais en réalité, l’inquiétude du bébé provient surtout de celle qu’il perçoit chez sa maman », On entend souvent dire que certaines périodes sont plus propices que d’autres à une première séparation. Ainsi, il s’agirait d’éviter autant que possible le huitième mois, qui coïncide avec la peur de l’étranger, ou la fin de la première année, âge de l’acquisitio­n de la marche. Pour la psychologu­e Christine Brunet, c’est surtout la façon dont la séparation est préparée et annoncée qui importe. « Il faut éviter les séparation­s brutales. Plus votre départ est soudain, plus votre enfant le ressentira comme un abandon et se sentira démuni. Surtout si vous disparaiss­ez pour un voyage de dix jours ! Rien à voir avec une séparation de quelques heures par jour. Dans tous les cas, le passage de relais doit s’effectuer dans un climat de confiance et en présence d’une personne connue.» rétablit Christine Brunet. Rien de pire qu’une maman qui a l’impression de «mal faire» ou d’abandonner son bébé: elle lui communique, malgré elle, ce sentiment d’abandon. A l’inverse, une mère calme, confiante et heureuse de retrouver un peu de liberté va créer un climat de sécurité et de sérénité autour de la séparation. « Le tout-petit est branché sur l’inconscien­t de sa maman. Ce qu’elle vit bien, il le vit bien aussi », assure Béatrice di Mascio.

La pédiatre sait de quoi elle parle: des mamans qui reprennent le travail, elle en a vu défiler des centaines dans son cabinet ! Certaines, après trois mois de congé de maternité, saturent et ont envie de retrouver une vie sociale. « Elles considèren­t que prolonger leur présence à la maison ne serait bon ni pour elle ni pour leur enfant, et de fait, la séparation se passe bien, parce qu’elles la vivent de façon positive», souligne-t-elle. Pour d’autres, au contraire, la vie à la maison ressemble à un long fleuve tranquille. Elles s’y coulent avec délice, s’y sentent merveilleu­sement bien… et voient arriver l’échéance du retour au travail avec appréhensi­on. « Leur enfant sent cette angoisse et se montre plus difficile le moment venu », poursuit la spécialist­e. Pourtant, être en permanence « sur » son enfant peut s’avérer étouffant. Pire, selon Béatrice di Mascio, « coller son bébé ne lui donne pas la force dont il aura besoin pour affronter la vie. Au contraire, cela le fragilise. » Dites-vous bien que votre petit a beaucoup à gagner de cette séparation : elle va l’aider à construire sa propre identité, lui permettre d’élargir ses repères et ses pôles d’intérêt, et même lui donner la preuve qu’il est capable de réaliser beaucoup de choses tout seul. Qui plus est, il va s’inscrire dans un groupe social (celui des enfants gardés par la même nourrice, celui de la

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