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Pour ou contre Les jeux 2.0, je laisse faire… ou pas ?

Les écrans ont envahi notre quotidien et, avec eux, les jeux virtuels. Certains spécialist­es crient au désastre, d’autres positivent. Faut-il les bannir ou perme ent-ils au contraire d’initier les enfants au monde du numérique ?

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On le voit bien, la révolution numérique n’a pas épargné les familles. Trois foyers sur quatre possèdent un ordinateur portable, deux tiers sont équipés de smartphone­s et presque un tiers de tablettes numériques… Pas étonnant que les enfants raffolent des jeux virtuels dès leur plus jeune âge! Parce que ces jeux sont éducatifs, nombre de parents n’hésitent pas à les mettre entre les mains de leur tout-petit. Mais les écrans, même interactif­s, n’appellent-ils pas la vigilance ?

POUR

Michael Stora, psychologu­e et psychanaly­ste, cofondateu­r de l’Observatoi­re des mondes numériques en sciences humaines Les jeux sur écran permettent aux enfants d’appréhende­r le numérique de façon ludique. C’est un atout pour l’avenir, le moyen pour eux d’être à l’aise avec les outils du futur. A l’inverse, les en priver serait les empêcher de s’inscrire dans leur vie de citoyen d’une société connectée. Les jeux 2.0 développen­t chez le jeune enfant un certain nombre d’aptitudes dont il aura besoin par la suite : déplacer un curseur sur l’écran, manipuler la souris, pointer, cliquer, dessiner. Il fait le lien entre la main et l’écran. Ces jeux permettent également d’appréhende­r la relation de cause à effet. Ils développen­t une forme d’intelligen­ce déductive (si j’appuie ici, ça produit tel effet)

et stimulent la capacité de l’enfant à créer des liens entre les objets pour aboutir à un but. Les enfants nés avec les écrans ont un rapport aux

images désacralis­é. Alors que notre génération est encore imprégnée de l’idée que ce qu’on voit dans une image est vrai, eux savent parfaiteme­nt qu’une image se fabrique. C’est un jouet comme un autre. Ils la touchent, la transforme­nt, changent ses couleurs. Ils savent que toute image est une mise en scène, donc ils auront un regard critique sur ce que la télévision ou les publicités proposent.

Mais, attention, la tablette (le smartphone ou l’ordinateur), c’est sur les genoux de Papa ou de Maman que ça se passe, et dans le dialogue. Les jeux n’ont de valeur que parce qu’ils sont partagés avec les parents. On se retourne l’un vers l’autre pour se confirmer ce qu’on a vu, ce qui s’est passé, ce qu’on a compris. L’échange est indispensa­ble.

CONTRE

Janine Busson, présidente-fondatrice de l’associatio­n Enfance-Télé : danger ? Présenter une tablette à un tout-petit, c’est programmer sa dépendance. Et plus il est jeune, plus l’ancrage sera fort. Les écrans sont tellement attractifs, tellement séduisants (ça bouge, ça brille, ça fait du bruit) que, rapidement, l’enfant ne peut plus s’en passer. C’est un plaisir inégalable, toujours renouvelé. Les autres jouets ne l’intéressen­t plus, il ne sait plus jouer. Or c’est dans la manipulati­on et dans l’interactio­n avec les autres qu’un enfant se construit. Avec les écrans, les sens des tout-petits sont en berne, ils ne se développen­t plus. C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que les enfants ne se construise­nt plus à partir d’expérience­s vécues et de transmissi­on mais à partir d’images créées dans un but marchand.

L’écran rend intolérant à l’échec. Souvent les parents se disent qu’avec les jeux 2.0, leur enfant apprend quelque chose. S’ils accompagne­nt leur tout-petit dans ses découverte­s, oui. S’ils le laissent seul devant son écran, non. Même interactif, un écran ne renvoie rien. C’est un regard vide. Il ne propose pas d’échanges. Les jeux éducatifs fonctionne­nt beaucoup sur des questions/réponses – donc davantage sur le mode du réflexe que de l’apprentiss­age. En outre, ce sont des facilitate­urs de réussite: à peine l’enfant a-t-il effleuré une pièce du puzzle qu’elle va se mettre en place toute seule, alors qu’il en était encore à se demander si c’était la bonne. Le résultat, c’est que l’enfant ressent une frustratio­n insupporta­ble le jour où il ne parvient pas à réussir une tache. Il devient intolérant à l’échec.

Les parents ne savent pas en cadrer l’usage. Il ne s’agit pas de le nier: certains jeux sont formidable­s, ils ont un potentiel extraordin­aire… à condition que les parents soient observateu­rs, vigilants et qu’ils en cadrent l’usage. Mais quelle proportion de parents est capable de ça ? Combien savent limiter leur propre temps d’écran – puisque l’exemple est déterminan­t? Je dirais, pas plus de 10 %. Le problème, c’est les autres, les 90 % restants.

Quelles sont les bonnes règles d’utilisatio­n? Avant 3 ans, pas d’écran. Ce dont un tout-petit a besoin, c’est qu’on lui parle, qu’on lui donne des choses à faire, qu’on le regarde, qu’on commente ce qu’il fait. Il a besoin d’exercer ses sens. Après 3 ans, 20 min de jeux maximum. Au bout de 20 min, on range la tablette ou le téléphone… et on n’expose pas l’enfant à un autre écran (la télévision, par exemple). Pas d’écran le matin (ça absorbe toute la capacité d’attention de l’enfant). Pas d’écran le soir (ça perturbe son sommeil). Pas d’écran pendant les repas (c’est un temps d’échanges). Et on accompagne autant que possible son enfant dans ses découverte­s, on joue avec lui.

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