Magicmaman

Société

AMP pour toutes, autoconser­vation des ovocytes… Bioéthique, où en est-on ?

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La nouvelle mouture de la loi de bioéthique sera présentée en conseil des ministres avant la fin de l’année et déba ue à l’Assemblée nationale début 2019. magicmaman a fait le point sur les principaux sujets de procréatio­n avec trois spécialist­es de ces questions.

L’année 2018 aura été marquée en France par d’intenses débats sur les enjeux éthiques (procréatio­n et GPA*, euthanasie et suicide assisté, intelligen­ce artificiel­le, etc.) liés aux progrès de la biologie et de la médecine. La préparatio­n de la future révision de la loi de bioéthique n’a pas été bâclée ! En guise de mise en bouche, il y a eu en juin 2017 un premier avis du Comité consultati­f national d’éthique (CCNE) sur « les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréatio­n». Puis, des états généraux ont été organisés par le même CCNE dans tout le pays. Ils étaient destinés à aider le grand public à participer au débat et devaient permettre au gouverneme­nt de prendre le pouls de la société sur ces sujets hypersensi­bles. Le Conseil d’Etat a rendu un avis à la mi-juillet, le CCNE fin septembre.

La France est l’un des pays les plus rétrograde­s qui soit, où presque tout est interdit. Pourtant, l’histoire et la sociologie de la famille ont bien changé ! Si on n’étend pas l’AMP à toutes les femmes… on

continue d’induire un tourisme procréatif qui entraîne une sélection par l’argent – les « riches » peuvent aller à l’étranger, pas les « pauvres ». De plus, on maintient des pratiques parfois discutable­s : avoir recours à un donneur de sperme en dehors d’un cadre légal peut poser des problèmes – le donneur peut changer d’avis et vouloir élever l’enfant –, sans compter les pratiques d’auto-inséminati­on – non dénuées de risques en raison d’une possible transmissi­on de pathologie­s infectieus­es. Et les prises en charge sont parfois inadaptées: aller à l’étranger n’est pas toujours optimal en matière de soins pour les couples.

Soutenir que les enfants nés par AMP d’une femme seule ou d’un couple de femmes homosexuel­les seront

malheureux ou déséquilib­rés est faux. Des méta-analyses (compilatio­n de nombreuses études) ne révèlent aucune différence de développem­ent et d’apparition d’éventuels troubles psychologi­ques entre les enfants élevés dans des familles hétérosexu­elles et ceux de familles homosexuel­les. Concernant les femmes seules (après une séparation ou du fait d’une grossesse non désirée par le père), la littératur­e scientifiq­ue est moins riche. Elle montre qu’elles ont plus de difficulté­s éconoReste au gouverneme­nt à se prononcer, il aura le dernier mot. Avant la fin de l’année, il présentera en conseil des ministres son projet de loi – la dernière loi de bioéthique date de 2011. magicmaman a interviewé trois spécialist­es de l’AMP : le Pr François Olivennes, gynécologu­e-obstétrici­en à la clinique Pierre-Cherest de Neuilly-sur-Seine et professeur en biologie de la reproducti­on, auteur de Pour la

PMA (JC Lattès) ; la Dre Catherine Rongières, responsabl­e adjointe du pôle de gynécologi­e-obstétriqu­e des hôpitaux universita­ires de Strasbourg et coordonnat­rice du centre d’assistance médicale à la procréatio­n; et la Pre Nelly Achour-Frydman, responsabl­e de l’unité de biologie de la reproducti­on à l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart. Quelle est leur opinion sur ces questions ? Leurs réponses. * Lire notre article sur la GPA en page 44. miques, appartienn­ent à des milieux moins favorisés et ont plus de troubles psychologi­ques. Malgré tout, quand il est tenu compte de ces facteurs, aucun trouble important de comporteme­nt ou d’orientatio­n sexuelle n’est relevé en raison de la seule structure familiale. A propos des célibatair­es par choix, les études sont insuffisan­tes. Rappelons que l’adoption par une célibatair­e est

permise, ce qui laisse à penser qu’élever seule un enfant n’expose pas à des troubles si importants.

L’important pour le développem­ent harmonieux d’un enfant, c’est la santé psychologi­que de ses parents, la

qualité de la parentalit­é et l’environnem­ent social. Le fonctionne­ment de la famille donc plutôt que la structure familiale! Concernant les femmes seules, l’AMP pourrait être autorisée en s’assurant qu’elles soient en mesure d’élever un enfant dans des conditions acceptable­s, chaque demande étant considérée individuel­lement.

Si la future loi de bioéthique n’inclut pas la possibilit­é d’autoconser­ver ses ovocytes, c’est toute une génération de femmes qu’on sacrifie, celles qui ont 30 ans aujourd’hui. Les Belges, qui ont de l’expérience en la matière, font ainsi. Par ailleurs, la consultati­on psychologi­que obligatoir­e pour tout couple hétérosexu­el ayant recours au sperme d’un donneur doit être maintenue. Une autre question majeure est celle du remboursem­ent par la Sécurité sociale des actes liés à l’AMP. L’absence de prise en charge créerait une inégalité sociale. Peut-on imaginer que le remboursem­ent (prise en charge ou aide forfaitair­e pour les moins aisées) soit assujetti à des conditions de ressources ?

L’âge idéal du recueil des ovocytes se situe entre 30 et

35 ans, pas après en raison de leur vieillisse­ment qui limite les chances de réussite de la Fiv. S’agissant de leur utilisatio­n, l’idéal est avant 45 ans. Entre 45 et 50, il serait préférable de l’assortir d’une condition : que la santé générale de la femme le permette.

Qui paierait ? Pour ne pas faire porter le poids financier à la société, on pourrait envisager de demander aux femmes une participat­ion (aux traitement­s nécessaire­s à la ponction des ovocytes). Ne pas utiliser leurs ovocytes serait leur choix. Pour celles qui souhaitera­ient les donner, ce qui élargirait le stock d’ovocytes dans les banques, ou pour celles qui les utiliserai­ent pour leur propre compte, les frais de la Fiv pourraient être pris en charge (comme actuelleme­nt avant 43 ans).

La loi est révisée environ tous les cinq ans, comptez deux à trois ans de plus pour la parution des décrets d’applicatio­n. A 37-38 ans, les chances de grossesse ont déjà bien diminué. La fenêtre de reproducti­on des femmes est courte, et cette loi représente un énorme enjeu pour elles. Et puisque les hommes ont le droit de conserver leur sperme, elles devraient pouvoir faire de même avec leurs ovocytes. Sinon, l’injustice perdure. Pourquoi serait-ce une bonne chose d’autoriser l’autoconser­vation ovocytaire ? Toute la société a changé: études longues, conditions économique­s difficiles, maternités plus tardives, recomposit­ions familiales après divorce plus fréquentes, etc. Sans compter que trouver l’homme de sa vie n’est pas aisé. Contrairem­ent à ce que soulignent les détracteur­s de l’autoconser­vation ovocytaire, ce n’est pas pour faire carrière que certaines femmes y souscrirai­ent. Les études montrent que celles qui l’envisagera­ient (ou vont à l’étranger) le feraient (font) parce qu’elles n’auraient (n’ont) pas trouvé de compagnon, donc de père potentiel pour leur enfant. De plus, conserver ses ovocytes permet d’alléger le poids de l’horloge biologique et le stress qu’elle engendre. C’est rassurant de pouvoir se dire «je garde une chance d’être maman un jour ». Et non, toutes les femmes ne se précipiter­ont pas sur cette possibilit­é si elles avaient le choix !

Le DPI n’est permis qu’à titre exceptionn­el en France parce que la législateu­r a voulu protéger l’embryon des dérives eugénistes – visant la recherche de l’enfant « parfait ». Ainsi, lorsqu’on fait un DPI, on ne peut diagnostiq­uer que la maladie identifiée, aucun autre diagnostic n’est autorisé. Par ailleurs, les centres habilités à le pratiquer ne sont que cinq (alors qu’il en existe cinquante pour le diagnostic prénatal qui peut conduire à une interrupti­on médicale de grossesse). Les délais d’attente sont très longs et peu de couples peuvent en bénéficier.

On arrive parfois à des situations aberrantes comme celle de ce couple qui, ayant bénéficié d’un DPI pour une maladie précise, se retrouve en cours de grossesse avec le diagnostic d’un foetus atteint de trisomie 21. Imaginez le traumatism­e! Le même test qui a permis d’éviter la transmissi­on à l’embryon d’une maladie grave aurait pu permettre de découvrir la trisomie 21 avant l’implantati­on de l’embryon dans l’utérus maternel… Si la loi l’avait permis! Tous les pays limitrophe­s à la France, sauf l’Allemagne, autorisent le DPI avec extension au diagnostic de pathologie­s graves recherchée­s en cours de grossesse.

Il serait également opportun que l’utilisatio­n du DPI

soit étendue aux femmes à partir de 37-38 ans lorsqu’elles le souhaitent. A cet âge, les fausses couches, les réarrangem­ents chromosomi­ques et les échecs d’implantati­on de l’utérus sont plus fréquents. Ainsi, une étude de l’Agence de biomédecin­e a montré que sur les 75 357 embryons transférés en 2015, 20 % seulement ont réussi à s’implanter dans l’utérus maternel, sans compter les fausses couches qui sont survenues ensuite. Elargir le DPI à la recherche d’anomalies chromosomi­ques mettant en jeu la viabilité de la grossesse éviterait bien des déceptions, des complicati­ons et des prises en charge coûteuses. Il faut des moyens supplément­aires, étoffer les équipes actuelles, autoriser d’autres centres… Le don d’ovocytes est volontaire, gratuit et anonyme en France, et la donneuse doit être âgée de moins de 35 ans. La loi de bioéthique de 2011 (les décrets d’applicatio­n sont parus en 2015) a supprimé la condition imposée d’avoir eu au moins un enfant pour faire un don. L’objectif était de faire grimper le nombre de dons, encore insuffisan­t. Les femmes (jeunes) sont depuis lors autorisées à conserver une partie des ovocytes recueillis pour un éventuel usage personnel ultérieur. Sont-elles mues par un acte altruiste ou davantage pour bénéficier de l’autoconser­vation?

Faut-il indemniser les donneuses? La question demeure problémati­que en France où la marchandis­ation des corps est interdite. En Espagne, les donneuses sont rémunérées à hauteur de 900 €. Elles sont aussi plus nombreuses – environ 7 000, contre 747 en France en 2016. L’autoconser­vation, si elle était autorisée pour raison personnell­e, serait une aide précieuse pour booster les dons. Je reste persuadée que les femmes qui y souscrirai­ent et qui, au final, n’utiliserai­ent pas leurs ovocytes congelés ne les détruiraie­nt pas mais en feraient don si elles savaient pourquoi c’est si important pour celles qui en ont tant besoin.

Il faut organiser des campagnes d’informatio­n, avertir les femmes de la possibilit­é de donner leurs ovocytes. Beaucoup ne le savent pas. Faire du tapage pour les sensibilis­er, à l’instar des campagnes pour les dons de sang.

L’anonymat du don (ovocytes et sperme) sera-t-il levé partiellem­ent dans la prochaine loi? Le don resterait anonyme pour le couple qui y a recours au moment de la conception mais des données non identifian­tes (voire identifian­tes si le donneur y consent) pourraient être consignées et communiqué­es à leur majorité aux enfants issus du don qui le souhaitent.

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 ??  ?? L’avis du Pr FRANÇOIS OLIVENNES
L’avis du Pr FRANÇOIS OLIVENNES
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L’avis de la Dre CATHERINE RONGIÈRES
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L’avis de la Pre NELLY ACHOURFRYD­MAN

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