Santé
Au top, son microbiote !
Le microbiote intestinal – appelé auparavant flore intestinale – est composé de 100 000 milliards de bactéries (1 000 espèces différentes), de virus, de champignons et de levures. Ces micro-organismes pèsent à eux seuls près de 2 kilos ! La plupart, les « bonnes » bactéries, protègent l’homme de la colonisation de l’intestin par les « mauvaises» bactéries, qui participent à l’apparition d’infections diverses et de maladies telles que le surpoids, l’obésité, les allergies, etc. La richesse et la diversité du microbiote intestinal et de ses bonnes bactéries jouent un rôle fondamental dans le développement du système immunitaire – la majeure partie de ses cellules sont situées dans l’intestin – et le maintien d’une bonne santé. Quand les parents apprennent qu’il se constitue dès la naissance, voire avant, qu’il se modifie selon l’environnement et atteint sa forme stable vers 3 ans, ils tendent l’oreille ! Comment le microbiote intestinal se met-il en place? Peut-on faire quelque chose pour l’améliorer? Le point avec le Dr Alexis Mosca, gastro-pédiatre.
L’INFLUENCE DU MICROBIOTE DE LA FUTURE MÈRE SUR CELUI DU FOETUS
On a longtemps cru que le milieu dans lequel évoluait le foetus dans le ventre de sa maman était stérile. Le débat agite encore la communauté
scientifique mais il se pourrait que le bébé soit exposé aux bactéries dès le stade prénatal. On a trouvé de l’ADN de bactéries (de l’ADN, et pas les bactéries elles-mêmes) dans le liquide amniotique, le placenta, les membranes foetales et le sang du cordon, en provenance du microbiote de la future mère. Des études sur des souris ont montré que le microbiote intestinal de la mère a une influence sur celui de son futur souriceau. Par ailleurs, la durée de la grossesse aurait également une importance. En effet, lorsque le bébé naît prématuré, son intestin est immature. Il reçoit une nutrition entérale (par voie digestive), des antibiotiques, vit à l’hôpital dans un environnement spécifique, etc., toutes choses qui peuvent affecter (déjà) son microbiote.
A moi d’agir
• La consommation d’antibiotiques et de médicaments (Mopral fréquemment utilisé en cas de nausées et vomissements, etc.) perturbe votre microbiote et, par extension, celui de votre futur bébé. Il ne s’agit pas d’éliminer tout médicament – certains sont en effet nécessaires– mais vous devez être vigilante. Ne prenez pas dans la pharmacie familiale et sur un coup de tête celui qui vous a été prescrit le mois dernier «parce qu’il est efficace». « Les futures mères d’aujourd’hui font partie d’une génération où les antibiotiques étaient surconsommés, explique le Dr Alexis Mosca, elles ont pour la plupart un microbiote altéré depuis l’enfance. De génération en génération, le microbiote s’est appauvri. » Une étude a montré que les selles des bébés nés en 1920 étaient plus acides et plus riches de certaines bactéries bénéfiques.
• Variez votre alimentation. Mangez de tout (sauf poissons et fromages crus), sélectionnez de bons produits que vous cuisinerez vousmême à la maison. Allez-y mollo sur les plats cuisinés et les préparations industrielles. L’alimentation est la première des choses à prendre en compte quand on veut soigner son microbiote. Et ce qui vaut pour vous vaut aussi pour le bébé et le petit enfant (puis l’adolescent et l’adulte), comme on le verra plus loin.
• Il n’y a aucune preuve scientifique quant au bénéfice d’une cure de probiotiques pendant la grossesse mais si vous avez des petits soucis intestinaux (constipation, ballonnements, etc.), pourquoi ne pas essayer ?
LES BIENFAITS DE L’ACCOUCHEMENT PAR VOIE BASSE
A la naissance, le tube digestif du bébé est immédiatement envahi par de nombreux micro-organismes extérieurs : c’est ce qu’on appelle le processus de colonisation. Lorsqu’on accouche par les voies naturelles, il y a transmission des bactéries de la flore vaginale et intestinale de la mère vers l’enfant. Ainsi, les « bonnes » bactéries lactobacilles et bifidobactéries colonisent l’intestin du nouveau-né. Quand on accouche par césarienne, la diversité microbienne est altérée. Sont seulement transmises au bébé les bactéries de l’environnement de la naissance et celle du microbiote cutané de la mère. Des études ont montré un surrisque pour l’enfant de développer des maladies auto-immunes telles que l’asthme et la maladie de Crohn. Le déséquilibre persiste la première année mais, heureusement, il se corrige grâce à une bonne alimentation. L’impact cependant demeure.
A moi d’agir
On n’a généralement pas le choix de son accouchement. Il est cependant préférable de ne pas insister auprès de son obstétricien pour obtenir une césarienne. Lire « Césarienne “de convenance”, oui ou non ? »
ALLAITEMENT ET ALIMENTATION VARIÉE AU MENU
L’allaitement maternel reste la meilleure alimentation pour le nouveau-né. «En allaitant, vous nourrissez votre bébé mais aussi son microbiote», rappelle le Dr Mosca. Le lait maternel contient un taux important d’oligo saccharides, des
La diversité du microbiote joue un rôle fondamental dans le maintien d’une bonne santé.
sucres, et c’est spécifique à l’être humain. Le lait maternel en contient 10 à 15 grammes par litre, soit 100 à 1 000 fois plus que le lait de vache. Ces derniers vont agir «comme de l’engrais » et faire pousser les bonnes bactéries dans son organisme.
A moi d’agir
• Passé l’âge de 6 mois, diversifiez le plus possible l’alimentation de votre enfant. Non au régime riz-poulet-banane! Faites-lui goûter de tout: des légumes variés, des fruits, des céréales, des féculents, des fromages, du poisson, etc. Chaque bactérie a un rôle à jouer, la variété de l’alimentation est donc essentielle. Les bonnes bactéries adorent les fibres qu’on trouve principalement dans les légumes, les fruits, les produits céréaliers complets et les légumineuses.
• L’OMS préconise six mois d’allaitement exclusif au sein. Si vous ne souhaitez pas aller jusque-là, faites ce que vous pouvez (voulez). Allaiter quelques jours ou semaines, ce n’est déjà pas si mal. Beaucoup de laits infantiles sont aujourd’hui supplémentés en pré- et/ou probiotiques mais on n’a pas encore la preuve scientifique de leur intérêt.
UNE UTILISATION PARCIMONIEUSE DES ANTIBIOTIQUES
Un excès d’antibiotiques décale la maturation du microbiote de l’enfant et réduit sa diversité. Or les tout-petits reçoivent beaucoup d’antibiotiques durant leur petite enfance. Chaque classe d’antibiotiques n’a pas le même impact mais toutes développent une antibiorésistance et modifient le microbiote. Les risques d’obésité, d’allergies, d’asthme et d’eczéma sont accrus. Les antibiotiques ne sont pas inutiles dans certains cas mais la moitié des prescriptions ne seraient pas justifiées chez les enfants.
A moi d’agir
• Votre enfant est actuellement sous antibios ? Possible que leur prise s’accompagne de diarrhées. Or celles-ci provoquent une baisse de la diversité du microbiote. N’hésitez pas à lui donner en parallèle des probiotiques à souche Saccharomyces
boulardii ou Lactobacillus GG (demandez à votre médecin ou à votre pharmacien). Ils protègent les intestins et diminuent de 50 % les diarrhées associées aux antibiotiques. Attention, le premier traitement contre la diarrhée reste la solution de réhydratation orale, indispensable ! • Inutile (et dangereux) de réduire la durée de prescription des antibiotiques de votre enfant, cela n’aura pas d’effet sur son microbiote. En revanche, sa guérison rapide serait compromise. Ne suppliez pas votre médecin de lui en prescrire pour que vous puissiez reprendre le travail plus tôt – même si, on le sait, on préfère ne pas trop s’absenter du bureau.
DE L’UTILITÉ DES PROBIOTIQUES SUR LES PETITS MAUX DE VENTRE
Qui dit petite enfance dit petit bidou souvent malmené : coliques des nouveau-nés, diarrhées, constipation…
A moi d’agir
• Coliques des nouveau-nés. Elles affectent environ 30 % d’entre eux dès l’âge d’1 mois et jusqu’à 3/4 mois. Les bébés souffrent du ventre, se tortillent en tous sens et pleurent : l’immaturité transitoire du système digestif serait en cause. Les probiotiques Lactobacillus reuteri auraient un petit effet, particulièrement sur les enfants nourris au sein. Ça vaut le coup d’essayer! Coupler avec de légers massages sur le ventre dans le sens des aiguilles d’une montre.
• Gastro-entérites aiguës et diarrhées dues à un virus ou une bactérie. Comme on l’a vu pour les diarrhées survenant à la suite d’une prise d’antibiotiques, donnez à votre enfant des probiotiques à souche Saccharomyces
boulardii ou Lactobacillus GG.
• Constipation. Elle est due la plupart du temps à l’alimentation. En cause, un apport insuffisant en liquides et en fibres. Des études ont montré que l’utilisation de certaines souches de probiotiques pouvait améliorer le transit intestinal mais il n’y a pas encore de recommandation scientifique.