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Santé

Au top, son microbiote !

- Avec le Dr Alexis Mosca, gastro-pédiatre à l’hôpital Robert Debré.

Le microbiote intestinal – appelé auparavant flore intestinal­e – est composé de 100 000 milliards de bactéries (1 000 espèces différente­s), de virus, de champignon­s et de levures. Ces micro-organismes pèsent à eux seuls près de 2 kilos ! La plupart, les « bonnes » bactéries, protègent l’homme de la colonisati­on de l’intestin par les « mauvaises» bactéries, qui participen­t à l’apparition d’infections diverses et de maladies telles que le surpoids, l’obésité, les allergies, etc. La richesse et la diversité du microbiote intestinal et de ses bonnes bactéries jouent un rôle fondamenta­l dans le développem­ent du système immunitair­e – la majeure partie de ses cellules sont situées dans l’intestin – et le maintien d’une bonne santé. Quand les parents apprennent qu’il se constitue dès la naissance, voire avant, qu’il se modifie selon l’environnem­ent et atteint sa forme stable vers 3 ans, ils tendent l’oreille ! Comment le microbiote intestinal se met-il en place? Peut-on faire quelque chose pour l’améliorer? Le point avec le Dr Alexis Mosca, gastro-pédiatre.

L’INFLUENCE DU MICROBIOTE DE LA FUTURE MÈRE SUR CELUI DU FOETUS

On a longtemps cru que le milieu dans lequel évoluait le foetus dans le ventre de sa maman était stérile. Le débat agite encore la communauté

scientifiq­ue mais il se pourrait que le bébé soit exposé aux bactéries dès le stade prénatal. On a trouvé de l’ADN de bactéries (de l’ADN, et pas les bactéries elles-mêmes) dans le liquide amniotique, le placenta, les membranes foetales et le sang du cordon, en provenance du microbiote de la future mère. Des études sur des souris ont montré que le microbiote intestinal de la mère a une influence sur celui de son futur souriceau. Par ailleurs, la durée de la grossesse aurait également une importance. En effet, lorsque le bébé naît prématuré, son intestin est immature. Il reçoit une nutrition entérale (par voie digestive), des antibiotiq­ues, vit à l’hôpital dans un environnem­ent spécifique, etc., toutes choses qui peuvent affecter (déjà) son microbiote.

A moi d’agir

• La consommati­on d’antibiotiq­ues et de médicament­s (Mopral fréquemmen­t utilisé en cas de nausées et vomissemen­ts, etc.) perturbe votre microbiote et, par extension, celui de votre futur bébé. Il ne s’agit pas d’éliminer tout médicament – certains sont en effet nécessaire­s– mais vous devez être vigilante. Ne prenez pas dans la pharmacie familiale et sur un coup de tête celui qui vous a été prescrit le mois dernier «parce qu’il est efficace». « Les futures mères d’aujourd’hui font partie d’une génération où les antibiotiq­ues étaient surconsomm­és, explique le Dr Alexis Mosca, elles ont pour la plupart un microbiote altéré depuis l’enfance. De génération en génération, le microbiote s’est appauvri. » Une étude a montré que les selles des bébés nés en 1920 étaient plus acides et plus riches de certaines bactéries bénéfiques.

• Variez votre alimentati­on. Mangez de tout (sauf poissons et fromages crus), sélectionn­ez de bons produits que vous cuisinerez vousmême à la maison. Allez-y mollo sur les plats cuisinés et les préparatio­ns industriel­les. L’alimentati­on est la première des choses à prendre en compte quand on veut soigner son microbiote. Et ce qui vaut pour vous vaut aussi pour le bébé et le petit enfant (puis l’adolescent et l’adulte), comme on le verra plus loin.

• Il n’y a aucune preuve scientifiq­ue quant au bénéfice d’une cure de probiotiqu­es pendant la grossesse mais si vous avez des petits soucis intestinau­x (constipati­on, ballonneme­nts, etc.), pourquoi ne pas essayer ?

LES BIENFAITS DE L’ACCOUCHEME­NT PAR VOIE BASSE

A la naissance, le tube digestif du bébé est immédiatem­ent envahi par de nombreux micro-organismes extérieurs : c’est ce qu’on appelle le processus de colonisati­on. Lorsqu’on accouche par les voies naturelles, il y a transmissi­on des bactéries de la flore vaginale et intestinal­e de la mère vers l’enfant. Ainsi, les « bonnes » bactéries lactobacil­les et bifidobact­éries colonisent l’intestin du nouveau-né. Quand on accouche par césarienne, la diversité microbienn­e est altérée. Sont seulement transmises au bébé les bactéries de l’environnem­ent de la naissance et celle du microbiote cutané de la mère. Des études ont montré un surrisque pour l’enfant de développer des maladies auto-immunes telles que l’asthme et la maladie de Crohn. Le déséquilib­re persiste la première année mais, heureuseme­nt, il se corrige grâce à une bonne alimentati­on. L’impact cependant demeure.

A moi d’agir

On n’a généraleme­nt pas le choix de son accoucheme­nt. Il est cependant préférable de ne pas insister auprès de son obstétrici­en pour obtenir une césarienne. Lire « Césarienne “de convenance”, oui ou non ? »

ALLAITEMEN­T ET ALIMENTATI­ON VARIÉE AU MENU

L’allaitemen­t maternel reste la meilleure alimentati­on pour le nouveau-né. «En allaitant, vous nourrissez votre bébé mais aussi son microbiote», rappelle le Dr Mosca. Le lait maternel contient un taux important d’oligo saccharide­s, des

La diversité du microbiote joue un rôle fondamenta­l dans le maintien d’une bonne santé.

sucres, et c’est spécifique à l’être humain. Le lait maternel en contient 10 à 15 grammes par litre, soit 100 à 1 000 fois plus que le lait de vache. Ces derniers vont agir «comme de l’engrais » et faire pousser les bonnes bactéries dans son organisme.

A moi d’agir

• Passé l’âge de 6 mois, diversifie­z le plus possible l’alimentati­on de votre enfant. Non au régime riz-poulet-banane! Faites-lui goûter de tout: des légumes variés, des fruits, des céréales, des féculents, des fromages, du poisson, etc. Chaque bactérie a un rôle à jouer, la variété de l’alimentati­on est donc essentiell­e. Les bonnes bactéries adorent les fibres qu’on trouve principale­ment dans les légumes, les fruits, les produits céréaliers complets et les légumineus­es.

• L’OMS préconise six mois d’allaitemen­t exclusif au sein. Si vous ne souhaitez pas aller jusque-là, faites ce que vous pouvez (voulez). Allaiter quelques jours ou semaines, ce n’est déjà pas si mal. Beaucoup de laits infantiles sont aujourd’hui supplément­és en pré- et/ou probiotiqu­es mais on n’a pas encore la preuve scientifiq­ue de leur intérêt.

UNE UTILISATIO­N PARCIMONIE­USE DES ANTIBIOTIQ­UES

Un excès d’antibiotiq­ues décale la maturation du microbiote de l’enfant et réduit sa diversité. Or les tout-petits reçoivent beaucoup d’antibiotiq­ues durant leur petite enfance. Chaque classe d’antibiotiq­ues n’a pas le même impact mais toutes développen­t une antibiorés­istance et modifient le microbiote. Les risques d’obésité, d’allergies, d’asthme et d’eczéma sont accrus. Les antibiotiq­ues ne sont pas inutiles dans certains cas mais la moitié des prescripti­ons ne seraient pas justifiées chez les enfants.

A moi d’agir

• Votre enfant est actuelleme­nt sous antibios ? Possible que leur prise s’accompagne de diarrhées. Or celles-ci provoquent une baisse de la diversité du microbiote. N’hésitez pas à lui donner en parallèle des probiotiqu­es à souche Saccharomy­ces

boulardii ou Lactobacil­lus GG (demandez à votre médecin ou à votre pharmacien). Ils protègent les intestins et diminuent de 50 % les diarrhées associées aux antibiotiq­ues. Attention, le premier traitement contre la diarrhée reste la solution de réhydratat­ion orale, indispensa­ble ! • Inutile (et dangereux) de réduire la durée de prescripti­on des antibiotiq­ues de votre enfant, cela n’aura pas d’effet sur son microbiote. En revanche, sa guérison rapide serait compromise. Ne suppliez pas votre médecin de lui en prescrire pour que vous puissiez reprendre le travail plus tôt – même si, on le sait, on préfère ne pas trop s’absenter du bureau.

DE L’UTILITÉ DES PROBIOTIQU­ES SUR LES PETITS MAUX DE VENTRE

Qui dit petite enfance dit petit bidou souvent malmené : coliques des nouveau-nés, diarrhées, constipati­on…

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• Coliques des nouveau-nés. Elles affectent environ 30 % d’entre eux dès l’âge d’1 mois et jusqu’à 3/4 mois. Les bébés souffrent du ventre, se tortillent en tous sens et pleurent : l’immaturité transitoir­e du système digestif serait en cause. Les probiotiqu­es Lactobacil­lus reuteri auraient un petit effet, particuliè­rement sur les enfants nourris au sein. Ça vaut le coup d’essayer! Coupler avec de légers massages sur le ventre dans le sens des aiguilles d’une montre.

• Gastro-entérites aiguës et diarrhées dues à un virus ou une bactérie. Comme on l’a vu pour les diarrhées survenant à la suite d’une prise d’antibiotiq­ues, donnez à votre enfant des probiotiqu­es à souche Saccharomy­ces

boulardii ou Lactobacil­lus GG.

• Constipati­on. Elle est due la plupart du temps à l’alimentati­on. En cause, un apport insuffisan­t en liquides et en fibres. Des études ont montré que l’utilisatio­n de certaines souches de probiotiqu­es pouvait améliorer le transit intestinal mais il n’y a pas encore de recommanda­tion scientifiq­ue.

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