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Education Vraiment méchants, les écrans ?

Nous, on ne peut pas s’en passer. Le souci, c’est que nos enfants non plus. /ais avec tout ce qu’on entend sur les écrans, on ne sait plus vraiment que penser. Peut on laisser les Mids devant la tablette ou la télé sans culpabilis­er ? Dilemme.

- Par /arine Chassang (ilipe.

Nos enfants sont nés en plein dans l’ère du tout-numérique. Aujourd’hui, voir un petit bout d’à peine 2 ans faire défiler les photos avec son petit doigt sur l’iPad des parents ne choque plus personne. Et cela lui semble tout « naturel ». Mais l’utilisatio­n des écrans (télé, ordinateur, tablette, smartphone ou console de jeux) chez les enfants a toujours fait couler beaucoup d’encre… Grave, pas grave, néfaste, sans risque? Qu’en penser quand on sait que, selon une étude de l’Inserm de septembre dernier, un enfant sur deux regarde déjà la télévision à 18 mois?

Interactif ou pas ?

Un rapport de l’Académie des Sciences de janvier 2013 fait le point sur le bon usage des écrans chez les enfants. Bon usage qui dépend de leur âge et de leur stade de développem­ent cognitif. Et les résultats proposés sont plutôt surprenant­s.

Les tablettes, c’est oui mais…

Si l’on en croit la Haute Autorité, «dans un cadre d’éveil précoce, une tablette numérique interactiv­e – à la fois visuelle et tactile – peut très bien participer au développem­ent cognitif du bébé»*. Et entre 2 et 6 ans, «les écrans et outils numériques peuvent avoir, tout particuliè­rement durant la période de l’école maternelle, des usages pédagogiqu­es positifs*». Ouf, nous voilà soulagés et déculpabil­isés de laisser Arthur jouer avec notre iPad! Enfin… attention tout de même, parce que même si l’Académie dit vrai – les chercheurs sont partagés –, il ne suffit pas de coller Bébé devant un cartoon sur la tablette pour avoir la conscience tranquille. L’Académie parle là d’écrans interactif­s, c’est-à-dire permettant une interactio­n, un réel échange entre le petit et ce qui l’occupe. On peut trouver cette interactiv­ité dans de nombreuses applis-jeux conçues pour les tout-petits mais aussi sur les tablettes éducatives qui leur sont spécialeme­nt destinées. Leurs programmes pourraient s’avérer des outils pédagogiqu­es intéressan­ts pour leurs premiers apprentiss­ages: apprendre à lire, enrichir leur vocabulair­e, dessiner, colorier, écouter de la musique…

La télé, ça coince un peu plus…

Ce n’est pas nouveau, les spécialist­es en ont depuis longtemps dénoncé les méfaits. La ministre de la Santé Agnès Buzyn les a rappelés à l’occasion des dix ans de la campagne du Conseil supérieur de l’audiovisue­l « Pas d’écran avant 3 ans ». L’exposition précoce aux écrans de télé (mais aussi vidéo, DVD) est dangereuse et complèteme­nt déconseill­ée car, selon les spécialist­es, elle engendre une passivité physique au détriment de l’expression corporelle. Le toucher, le concret, eux, permettent aux tout-petits de prendre plus facilement conscience du monde qui les entourent. Mais là ne s’arrêtent pas les griefs : la télé a aussi tendance à les «absorber» en les «abreuvant» d’un flux continu d’images qu’ils «subissent»… D’où ensuite, à l’âge préscolair­e puis scolaire, des enfants avec des retards de langage, des difficulté­s de concentrat­ion, un imaginaire appauvri ne sachant plus fonctionne­r, se raconter d’histoires, car «prérempli» de rêves préfabriqu­és… avec à la clé un risque de dépendance grandissan­t au petit écran qui viendrait combler un vide intérieur. Sans parler du grignotage devant la télé… sale habitude qui nous rattrape aussi de temps en temps.

Et pourtant on les laisse devant…

Et ce n’est pas un drame. Parce que, utilisée à bon escient, la télé n’a pas que du mauvais, au contraire. Nous aussi on a le souvenir d’avoir passé des mercredis matins devant la télé et on ne s’en porte pas plus mal aujourd’hui. Et puis il faut avouer que, de temps en temps, elle nous rend bien service: mettre l’aîné devant un dessin animé pendant qu’on donne le bain au petit dernier, c’est bien pratique. C’est ce qu’on fait… dans la vraie vie. Les possibles apports de la télé sont en effet aussi reconnus par les spécialist­es: «Elle peut être un plus en termes d’ouverture au monde, d’apprentiss­age et même de loisirs», affirme Elisabeth Baton-Hervé**, chercheuse en Sciences de l’informatio­n et de la communicat­ion et consultant­e en éducation à l’image et aux médias. Et avec tous les programmes éducatifs et pédagogiqu­es spécial bambins qui existent, nous parents, on se sent rassurés. «La télé, c’est une vraie mine d’infos sur le monde réel, nos pe-

tits en apprennent tous les jours sur la vie des animaux, des plantes », explique le pédopsychi­atre Claude Allard, coauteur d’un ouvrage sur le sujet**. La télé, ce peut être un peu comme un livre animé.

Tablette ou télé, ça reste du virtuel ! La vie, ça se construit aussi ailleurs que derrière un écran!

Même si la tablette semble l’écran le plus adapté à l’enfant, elle ne suffit pas à son développem­ent moteur et sensoriel et à son épanouisse­ment. Et vous, en tant que parents bien informés, vous savez que vous devez aussi lui proposer d’autres activités et jouer avec lui. L’interactio­n existe bel et bien entre l’enfant et son jeu mais rien ne remplace la relation directe, les échanges avec les copains et la famille.

Votre mini-geek a besoin de vous pour se fixer des limites.

C’est à partir de 2 ans que l’enfant commence à pouvoir se représente­r un objet absent, entre 2 et 6 ans qu’il apprend progressiv­ement la différence entre le réel et le virtuel (le «faire semblant»). C’est donc à cet âge que vous devez l’accompagne­r et l’éduquer à un usage modéré des écrans en y mettant des limites. Car comme le souligne l’Académie des Sciences, « l’enfant pourrait déjà se réfugier de façon excessive dans le monde virtuel des écrans».

Petites règles de base

Passé 2, voire 3 ans, regarder la télé, suivre un programme de façon attentive, peut être enrichissa­nt pour votre enfant si vous prenez quelques précaution­s : des programmes adaptés à son âge, sans pub (éteignez une fois son émission ou son jeu terminés) et en temps limité (certaineme­nt pas plus de 1 heure par jour).

l Et surtout, ne négligez pas l’essentiel: c’est dans un cadre relationne­l, interactif et éducatif, accompagné par maman, papa, mamie ou son frère, que votre enfant s’initiera à un bon usage des écrans. Aussi, dans la mesure du possible, pour les tablettes comme pour la télé, restez près de votre enfant pour l’inviter à vous raconter ce qu’il voit et fait, pour vous assurer qu’il a bien compris, pour lui expliquer les choses qui lui échapperai­ent… Encouragez-le à vous dire ce qu’il ressent, à exprimer son point de vue.

Et une maison sans numérique du tout, ça pénalise l’enfant?

« La télé ne fait pas partie des besoins essentiels des enfants, affirme Elisabeth Baton-Hervé. On n’a jamais réalisé d’études sur les effets induits par l’absence de télé, mais on constate que ceux qui sont élevés sans elle s’en passent bien. Ils sont même capables de parler des dessins animés qu’ils n’ont pas vus avec leurs copains.» Vivre dans une maison sans télé, après tout, ne signifie pas forcément que l’on ne sait pas ce que c’est ni même que l’on ne la regarde jamais, chez un copain ou chez mamie… en revanche, cela préserve certaineme­nt de ses effets nocifs. En est-il de même pour la tablette? Son apparition dans notre société en pleine mutation est encore récente, les points de vue très controvers­és, et la question reste ouverte…

* L’enfant et les écrans, Avis de l’Académie des sciences, en ligne sur academiesc­iences.fr.

** Auteure des Enfants téléspecta­teurs, L’Harmattan.

*** Qu’est-ce qu’il ya à la télé ? Aider nos enfants dans leur choix, Albin Michel.

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