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Santé

Grossesse extra-utérine : comment la reconnaîtr­e

- Avec le Dr Jean-François Le Digabel, gynécologu­e-obstétrici­en, www.gyneco-ledigabel.fr

Chaque année en France, environ 14 000 femmes voient leur grossesse s’interrompr­e car l’oeuf formé de la rencontre entre un ovocyte et un spermatozo­ïde ne s’est pas fixé au bon endroit. C’est la définition même de la grossesse extra-utérine (GEU) : en dehors de l’utérus. On l’appelle également grossesse ectopique. Que s’est-il passé ? Dans 99 % des cas, l’oeuf s’est arrêté en chemin avant d’avoir pu rejoindre l’utérus, c’est-à-dire qu’il s’est accroché à l’une des deux trompes de Fallope. Dans 0,5 % des cas, il s’est fixé sur un des deux ovaires, dans 0,4 % dans le col de l’utérus et dans 0,1 % des cas, à l’intérieur du ventre. Les explicatio­ns du docteur Jean-François Le Digabel, chirurgien gynécologu­e obstétrici­en.

POURQUOI DE NOS JOURS LES GROSSESSES EXTRAUTÉRI­NES SONT-ELLES PLUS FRÉQUENTES ?

Une des principale­s causes des grossesses extra-utérines est l’usage du tabac. La dernière enquête nationale périnatale de 2016 a montré qu’il n’a pas baissé depuis l’enquête de 2010. 30 % des femmes interviewé­es (à leur entrée à la maternité) fumaient avant leur grossesse: près de 12 % entre 1 à 9 cigarettes et 18 % plus de 10. Enceintes, elles étaient encore plus de 16 % à fumer au troisième trimestre. Et quand on fume, les cils vibratiles qui tapissent les trompes et conduisent l’oeuf jusqu’à l’utérus font moins bien leur travail de « tapis roulant ». Ils « patinent » et ralentisse­nt son cheminemen­t. Par ailleurs, le port d’un stérilet (davantage utilisé par les femmes depuis la « crise » des pilules de 2e génération en 2012) est également un facteur de risque. Attention, cela ne signifie pas qu’il faut jeter aux orties votre stérilet (plus efficace que la pilule) ! Avec ce dispositif, les grossesses sont moins nombreuses que sous contracept­ion hormonale mais, lorsqu’elles se produisent, elles sont plus fréquemmen­t extra-utérines.

Y A-T-IL D’AUTRES FACTEURS DE RISQUE ?

Ce sont des antécédent­s de chirurgie des trompes, de (dé)ligature des trompes, de grossesses extra-utérines, d’infections comme la salpingite (après ce type d’infections, les trompes peuvent être endomma-

L’oeuf doit impérative­ment s’implanter dans l’utérus le 6e jour. Sinon il risque de s’insérer ailleurs.

gées) ou de malformati­ons de l’utérus. L’âge de la femme ou une FIV – la technique n’est pas en cause – ne sont pas des risques en eux-mêmes. On constate cependant que ce sont les femmes les plus âgées qui ont recours à la PMA, ont une anomalie des trompes ou eu davantage d’infections, etc. Cela augmente le risque de grossesse extra-utérine.

À QUEL MOMENT DE LA GROSSESSE, LA « SORTIE DE ROUTE » DE L’OEUF SE PRODUIT-ELLE ?

L’oeuf doit impérative­ment s’implanter dans la muqueuse utérine le 6e jour après la rencontre entre l’ovule et le spermatozo­ïde. Donc, à cette date, s’il se trouve encore dans la trompe parce qu’elle est endommagée pour une raison ou pour une autre ou que les cils vibratiles qui la tapissent ne font pas correcteme­nt leur travail, l’oeuf s’y insère et commence à s’y développer. A ce stade, les hormones de grossesse sont encore silencieus­es.

QUELS EN SONT LES SYMPTÔMES ?

Ce sont des saignement­s anormaux en dehors des règles et des douleurs en bas du ventre. Ces symptômes se manifesten­t généraleme­nt entre 1 semaine de retard de règles (3 semaines de grossesse) et 3/4 semaines de retard (6/7 semaines de grossesse). Tout dépend si l’oeuf s’est implanté au début de la trompe, près de l’ovaire, ou à son isthme – près de l’utérus. Sachez que la moitié des femmes n’ont pas de symptômes ! Il peut également arriver, lorsque la grossesse est plus avancée, que la femme ressente une violente douleur d’un côté de l’abdomen – parce que la trompe s’est fissurée ou a éclaté sous la pression de l’oeuf qui s’est développé – souvent accompagné­e de malaises, de vertiges, et/ou d’évanouisse­ment. C’est rare. De nos jours, les médecins ne passent qu’exceptionn­ellement à côté d’une GEU, de nombreuses consultati­ons ont lieu pour suspicion.

COMMENT LE MÉDECIN LA DIAGNOSTIQ­UE-T-IL ?

Le diagnostic d’une grossesse extra-utérine précoce n’est pas facile à faire car l’échographi­e ne permet pas de repérer un embryon dans l’utérus avant 6 semaines d’aménorrhée (4 SG). Lorsqu’il a un doute, en dehors de toute urgence, le médecin prescrit une prise de sang pour doser l’hormone chorioniqu­e gonadotrop­hique ou beta HCG, l’hormone spéciifiqu­e de la grossesse.

Cette hormone augmente régulièrem­ent son taux en le doublant toutes les quarante-huit heures lorsque tout se déroule correcteme­nt. Deux dosages successifs effectués à 48 heures d’intervalle et montrant un taux identique de beta HCG ne sont pas bon signe et signifient la probabilit­é d’une grossesse extra-utérine. Lorsque le taux de cette hormone se situe à plus de 1 500 UI/I, l’oeuf est visible à l’échographi­e.

LORSQUE LA GROSSESSE EXTRA-UTÉRINE EST AVÉRÉE, COMMENT LA TRAITE-T-ON ?

Hors urgence, on peut attendre un peu et surveiller son évolution avec des dosages de beta HCG. C’est rare mais il arrive que la grossesse s’arrête sans qu’on intervienn­e et que l’oeuf soit dégradé par le corps. Sinon, le traitement est soit médical soit chirurgica­l. Le traitement médical concerne les grossesses extra-utérines peu évoluées et qui saignent peu. Il consiste en l’injection d’un médicament, le méthotrexa­te, en intraveine­use ou en intramuscu­laire afin d’interrompr­e le développem­ent de l’oeuf. Deux à trois dosages de beta HCG la première semaine sont effectués, puis un par semaine afin de vérifier la chute du taux de l’hormone (jusqu’à ce qu’il soit négatif). Une deuxième injection est parfois nécessaire sept jours plus tard.

ET QUID DU TRAITEMENT CHIRURGICA­L ?

Il est envisagé lorsque la grossesse est plus avancée ou qu’il existe des risques d’hémorragie. On opère par coelioscop­ie sous anesthésie générale. La patiente est hospitalis­ée 12 à 48 heures. Si la trompe n’est pas abîmée et qu’on peut la conserver, elle est ouverte et l’oeuf aspiré. Un dosage d’HCG est effectué après l’opération. Si la trompe est abîmée voire rompue, ou en cas de grossesses extra-utérines à répétition, elle ne peut pas être conservée. Elle est alors retirée, c’est une salpingect­omie.

APRÈS UNE GROSSESSE EXTRA-UTÉRINE, PEUT-ON REFAIRE UN BÉBÉ ?

Eh oui, car même avec une seule trompe, on peut faire de très beaux bébés! Il faut cependant attendre la cicatrisat­ion de la trompe qui a subi le dommage : trois mois suffisent généraleme­nt.

Comme on l’a vu, une femme qui a déjà fait une grossesse extra-utérine a plus de risques qu’une autre d’en faire à nouveau. Au prochain test de grossesse positif, il faut donc retourner chez le gynécologu­e pour surveiller que l’oeuf se développe bien dans l’utérus cette fois-ci. Des dosages sanguins de beta HCG vous seront alors prescrits à intervalle­s réguliers et une échographi­e vers 5/6 SA environ si tout va bien.

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