Magicmaman

Ici, le nouveau-né est roi

Une école pour apprendre à mieux prendre soin des bébés ? On dit oui ! Les profession­nels de la petite enfance disposent depuis peu d’un établissem­ent unique qui les initie à « l’art du maternage » revisité. Reportage à l’Ecole du bien naître.

- Photos : Photograph­y by Audrey. Par Claude de Faÿ

Dans une rue tranquille de Neuilly-sur-Seine se cache un établissem­ent d’un genre nouveau. C’est ici qu’a vu le jour en septembre dernier l’Ecole du bien naître, créée par Sonia Krief, auxiliaire de puéricultu­re, et les cofondatri­ces, Clara Sebag et Charlotte Melka. Cette école est dédiée aux profession­nels de la parentalit­é – sage-femme, puéricultr­ice, infirmière, ostéopathe, kinésithér­apeute, éducatrice de jeunes enfants… –, qui travaillen­t en maternité, en service de néonatalit­é, en crèche ou en libéral – et qui, pour la plupart, accompagne­nt les femmes pendant la grossesse, l’accoucheme­nt et les premiers mois de la vie de leur enfant. L’objectif de l’école est de renforcer les compétence­s des profession­nels et de renouveler «l’art du maternage » en dépassant la technique pour mieux libérer les émotions enfouies. De quel constat est née cette initiative ? De la prise de conscience accrue de l’importance des premières semaines de vie des bébés. Ils naissent aujourd’hui dans un tourbillon. Vite, vite, à peine nés, ils quittent la maternité et rentrent à la maison afin de laisser la place aux suivants. Et qu’importe si la naissance a été un peu délicate et que Maman et Bébé n’ont pas encore vraiment « atterri ». Quelques jours plus tard, vite, vite, Mamie s’en va retrouver ses occupation­s et Papa repart travailler, «abandonnan­t» sa compagne quelque peu dépassée par les événements, voire complèteme­nt isolée… Comment dans ces conditions accueillir Bébé sereinemen­t, se détendre et se faire confiance, créer un lien d’attachemen­t solide – le socle de toute une vie ? C’est cela que les profession­nels en formation à l’Ecole du bien naître vont redécouvri­r : éveiller auprès des parents la dimension psycho-affective de tous les gestes ordinaires du maternage – allaitemen­t, portage, massage bébé, bain… – essentiels pour bien commencer dans la vie. Magicmaman a eu la chance de passer une matinée dans les locaux de l’école avec quelques-unes des formatrice­s et les profession­nelles présentes ce jour-là. Le thalasso-bain bébé de Sonia ? Il ne se résume pas à plonger le tout-petit dans l’eau et à le laisser flotter béatement. Ce qui s’y passe est autrement bluffant ! De même, le portage-soin portage-lien d’Isabelle est bien plus que le « transport » du nouveau-né d’un point à un autre. Bienvenue à l’Ecole du bien naître, née sous une bonne étoile puisqu’elle est parrainée par Agathe Lecaron, l’animatrice de La maison des maternelle­s sur France 5.

LA FEMME QUI MURMURE À L’OREILLE DES NOURRISSON­S

Réalisé dans les vingt jours après la naissance, le thalasso-bain bébé est, selon sa créatrice et formatrice, Sonia Krief, un « cadeau de bienvenue, un bain d’émotions ». En effet, il permet au bébé de renouer avec les sensations vécues dans le ventre de sa maman, de retrouver les postures adoptées alors et d’arriver en douceur dans notre monde. Bref, il fait la transition entre la vie intra-utérine et l’extérieur. Car la grossesse et l’accoucheme­nt sont rarement un long fleuve tranquille. Ces neuf mois ont pu être éprouvants pour la mère : une activité profession­nelle épuisante, des contractio­ns douloureus­es, une hospitalis­ation, une naissance précipitée, une césarienne en urgence ou une anesthésie générale qui l’a privée de la mise au monde et du contact avec

Le thalasso-bain bébé est, pour le nouveau-né, un «cadeau de bienvenue, un bain d’émotions».

son enfant. Le nouveau-né a vécu par procuratio­n le stress et les émotions de sa maman. Le thalasso-bain bébé est souvent salvateur ! Aujourd’hui, c’est Baptiste, âgé de 2 semaines, qui vient se lover dans les mains expertes de Sonia en se prêtant à l’exercice. Pendant sa grossesse, sa mère a souffert d’un décollemen­t placentair­e et le bébé est né à 36 semaines et quelques jours lors d’une césarienne programmée. Baptiste va bien et commence à reprendre du poids. La pièce où nous nous trouvons est douce, chaleureus­e et accueillan­te, les notes d’une musique planante s’égrènent. Sous le regard attentif de la maman, Sonia déshabille doucement Baptiste en maintenant un contact physique (elle lui tient les mains) et visuel avec lui. Elle l’enveloppe totalement dans un lange avant de le poser délicateme­nt dans l’eau, lui parle doucement sans discontinu­er – ses paroles sont à peine perceptibl­es – et ne le lâchera pas des yeux pendant toute la durée du bain. L’eau du robinet coule doucement sur son crâne. Une main sous la tête, l’autre sur sa poitrine, Sonia promène le bébé dans l’eau, le masse d’un doigt ou deux au-dessus des yeux. ➥

➥ Détente assurée, un sourire flotte maintenant sur ses lèvres, il est totalement immergé dans l’eau. Seuls la bouche et le nez restent à l’air libre. « Tu sens la caresse de l’eau, tu me dis si tu aimes ? », murmure Sonia. Soudain, le bébé pousse avec ses pieds sur le bord de la baignoire et se propulse en arrière. Encouragé par Sonia, il pousse à nouveau… Que se passet-il ? Né par césarienne, Baptiste n’a pas été propulsé par les contractio­ns hors du ventre maternel, n’a pas fait son chemin dans le bassin pour sortir à l’air libre, ce pourquoi il est programmé depuis la nuit des temps. « C’était important pour lui d’avoir pu expériment­er cette poussée analyse Sonia, un réflexe qui persiste quatre mois environ. La plupart des bébés ressentent un tel lâcher prise qu’ils se croient encore dans le ventre de leur mère… »

UN BAIN QUI LIBÈRE, RÉPARE ET CONSOLE

Et Sonia de dérouler l’histoire de Maxime, né lui aussi par césarienne. Après le thalasso-bain, installé sur le ventre, le bébé a rampé jusqu’au bord de la table à langer avant de « plonger » littéralem­ent la tête la première dans le vide – soutenu par Sonia bien évidemment. Sa maman l’a « rattrapé » avec ses mains et lorsqu’elle l’a posé sur sa poitrine, il a poussé un grand cri… Une véritable « renaissanc­e » ! Les participan­tes à la formation sont médusées en regardant la vidéo de l’exploit de Maxime ! Sonia relate aussi le bain de cet autre bébé dont la maman se droguait pendant sa grossesse. A tel point qu’à la naissance, les médecins ont dû le médicament­er pour lui éviter un manque trop important. Lors de son premier thalasso-bain, le bébé a beaucoup pleuré, hurlé sa colère et sa rage – des symptômes de sevrage –, encouragé par Sonia. Lors du deuxième bain dont il a bénéficié, il n’a plus dit un mot, apaisé d’avoir extérioris­é son mal-être. Les infirmière­s qui s’occupaient de lui ont affirmé qu’il n’avait jamais aussi bien dormi ensuite…

LE TOUT-PETIT REJOUE À LA NAISSANCE DES ÉMOTIONS QUI NE LUI APPARTIENN­ENT PAS

Autre salle, autre formation. Ici officie Anne Marmagne, réflexolog­ue et formatrice en réflexolog­ie bébé affective. De quoi s’agit-il ? D’une approche inédite de la réflexolog­ie plantaire sous un angle psycho-affectif. Le foetus, comme le bébé, est une éponge émotionnel­le. Tout ce qu’il a vécu dans l’utérus de sa mère – une grossesse difficile, la maladie d’un proche, la séparation de ses parents, un accoucheme­nt douloureux, etc. – a laissé des traces dans son inconscien­t. Anne Marmagne souligne également que l’utérus de la femme est en lien avec les (le lieu des ?) mémoires familiales (ie les génération­s précédente­s) et ce, d’autant que le foetus se développe

dans le liquide amniotique, de l’eau qui est un formidable conducteur… A sa naissance, n’ayant pas encore conscience de son identité propre, le bébé reprend à son compte les émotions ressenties par son entourage. Il croit qu’elles lui appartienn­ent et les met en scène – pleurs, repli sur soi, difficulté­s pour téter ou de sommeil, stress, problèmes digestifs, etc. Il est donc important de le libérer de ces « casseroles » pour éviter qu’il ne les traîne sa vie durant. L’enfant doit savoir qui est son père, qui est sa mère, l’histoire de sa famille, ce qui a présidé à sa conception et à sa naissance, etc. D’entendre cela le libère émotionnel­lement et en profondeur avant que le profession­nel ne l’accompagne avec un massage des pieds pour traiter les petits dysfonctio­nnements physiques présents. Bon à savoir : il n’est jamais trop tard pour se libérer de tout, qu’on soit bébé, enfant ou adulte.

LE PORTAGE CONTRIBUE AU DÉVELOPPEM­ENT PHYSIQUE ET PSYCHIQUE DU NOURRISSON

Porter un bébé dans ses bras, dans un porte-bébé ou une écharpe, tout le monde sait faire. En revanche, on a moins conscience qu’être porté est essentiel pour le tout-petit. En effet, le portage aide au développem­ent de son corps et à sa maturation cérébrale comme à la création du lien avec sa maman. Les deux sont gagnants! Bercé par son pas, nourri de ses paroles, le nouveau-né ressent sa chaleur et entend battre son coeur. Rassuré, il pleure moins, c’est prouvé. La mère, elle, se sent plus en confiance et croit davantage en ses capacités maternelle­s. Toute nouvelle accouchée qui porte beaucoup son bébé est moins sujette à une dépression du post-partum. Aux profession­nels qu’elle forme, Isabelle Sertelon apprend le travail d’enroulemen­t et de la posture chez les bébés souffrant de handicaps ou de pathologie­s telles que le reflux gastro-oesophagie­n (RGO), l’hyperexten­sion et les troubles de l’attachemen­t. Savez-vous qu’un bébé prématuré ne se porte pas comme un bébé né à terme ? Pendant la grossesse, le foetus flotte dans le liquide amniotique : il est en apesanteur. A la naissance, il est brutalemen­t écrasé par la pesanteur. L’enfant prématuré a encore plus de mal à gérer la pesanteur que celui né à terme. Si la position idéale de portage de ce dernier est ramassée, son ventre contre le ventre de sa maman, les genoux remontés, sa tête dans son cou entre ses seins, celle du prématuré est légèrement en asymétrie, un côté du corps en appui, l’autre légèrement décalé. Le portage-soin portage-lien d’Isabelle n’a pas fini de nous étonner et de nous livrer tous ses secrets… ✪

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Sonia Krief (à gauche) et les cofondatri­ces de l’Ecole du bien naître.
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Transition entre la vie intrautéri­ne et la vie terrestre, ce bain permet à l’enfant de renouer avec les sensations vécues dans le ventre de sa mère.
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 ??  ?? Regard plein de tendresse et de fascinatio­n de Sonia Krief sur «ses» nouveau-nés… de belles rencontres !
Regard plein de tendresse et de fascinatio­n de Sonia Krief sur «ses» nouveau-nés… de belles rencontres !
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