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Faut-il prévenir les enfants contre certains adultes dangereux ?

Les prédateurs d’enfants, ça existe. Devonsnous mettre en garde nos petits, au risque de leur faire voir du danger partout et de leur apprendre à se méfier de tout le monde ? La question est délicate. Qu’en disent les spécialist­es ?

- Par Dominique Henry

Dès qu’ils savent marcher, nos enfants peuvent nous échapper. Un instant d’inattentio­n, surtout dans un lieu public, et notre loulou s’éloigne et se perd. Dans l’immense majorité des cas, l’histoire se termine bien. Quelques minutes plus tard, on le retrouve et on est quitte pour la peur. Ouf ! Malheureus­ement, dans de rares cas, l’enfant devient la proie d’un prédateur qui le guettait. Et puis il y a ces autres prédateurs, ceux dont on ne parle pas parce que l’idée même de leur existence nous est insoutenab­le : les proches. Environ 90 % des agresseurs font partie de l’entourage immédiat de l’enfant. Ce sont des figures familières, des personnes en qui il a confiance et qu’il aime. Faut-il mettre en garde nos petits contre le danger que peuvent représente­r les adultes, connus ou inconnus, au risque de les traumatise­r avec des images effrayante­s qui resteront inscrites en eux ? Beaucoup de parents hésitent et préfèrent garder le silence. Inutile d’angoisser leur enfant avec quelque chose qui n’arrivera probableme­nt jamais, se disent-ils. Qu’en pensent les spécialist­es ? La parole est à eux.

« DIRE SANS DONNER TROP DE DÉTAILS »

Pierrelune Betrancour­t, responsabl­e de l’éducation préventive pour l’associatio­n Enfance et Partage

Les chiffres ne disent malheureus­ement pas que les agressions sont rares : chaque année, 230 000 mineurs de moins de 15 ans sont victimes de violences, dont certains sont des tout-petits. Prévenir, c’est protéger. Les parents doivent mettre leur enfant en garde… avec précaution. A l’âge de la maternelle, l’exercice est délicat. Il faut dire mais sans inquiéter. Ne pas donner trop de détails qui pourraient rendre l’enfant anxieux ou lui faire perdre la confiance qu’il a placée dans les adultes.

Le plus simple, c’est de partir d’histoires qui montrent à l’enfant que, parfois, dans certaines situations, ceux qu’on croyait nos amis n’agissent pas pour notre bien. Ils peuvent devenir menaçants ou faire des gestes qui mettent mal à l’aise. Evoquer ces situations au travers de livres, ça

permet d’allumer des clignotant­s dans la tête de l’enfant. S’il se retrouve dans une de ces situations, les clignotant­s s’allumeront. On peut aussi utiliser des jeux devinettes du type : « On a le droit de faire ça (par exemple, te demander de montrer ton zizi) ? ».

A lui de raconter l’histoire que vous venez de lire et ce qu’il en a compris. C’est lui qui doit « former » le discours. Discutez-en ensemble. Il ne s’agit pas de lui faire peur en disant « Tu as vu ce qui est arrivé à ce petit garçon ? » mais plutôt de l’aider à développer ses défenses: «Toi, qu’estce que tu aurais fait dans cette situation?» Il doit comprendre qu’il a le droit de dire non – même à un adulte et même à quelqu’un qu’il connaît. Son corps lui appartient. Personne n’a le droit de lui faire du mal, personne n’a le droit de faire des gestes qui ne lui plaisent pas. Et si quelque chose l’embête ou le rend triste, il doit en parler sans attendre à un adulte de confiance.

Chez Enfance et Partage, nous avons établi la règle des 3P : être prudent, se protéger, parler. Ce sont les messages essentiels à faire passer à votre enfant.

« LA PRÉVENTION PASSE PAR UNE ÉDUCATION SEXUELLE »

Jocelyne Robert, spécialist­e de l’éducation sexuelle, auteure de Te laisse pas faire !, Editions de l’Homme

Il faut informer les enfants dès leur plus jeune âge pour qu’ils se développen­t en ayant conscience que leur corps leur appartient. Il ne s’agit pas de leur faire peur, il s’agit de les aider à grandir en leur donnant les outils qui vont leur permettre de se protéger et de rester maîtres de la situation.

La meilleure des prévention­s, c’est l’éducation sexuelle. Elle se fait avec subtilité, en profitant des occasions qui surgissent dans la vie de tous les jours. Entre 3 et 6 ans, les enfants traversent une phase de fascinatio­n pour la différence des sexes. C’est à cette période qu’ils ont le plus de jeux sexuels. Ils se mettent nus, se comparent, se touchent. Votre enfant joue au docteur ? Profitez-en pour lui dire que c’est normal d’être curieux de son corps, tous les enfants le sont. Mais que les grands, eux, n’ont pas le droit de lui proposer des jeux sexuels. Il se masturbe devant vous en regardant un dessin animé ? Posez un cadre : « Ça, tu le fais dans ta chambre, c’est ton intimité, ça ne regarde que toi. » Son corps n’appartient qu’à lui. Aucun « grand » n’a le droit de le toucher ou de lui imposer des gestes dont il n’a pas envie.

Si ça lui arrive, il doit en parler. Souvent l’enfant sait/ sent que l’adulte le touche comme il ne le devrait pas mais il n’a pas les mots pour le dire. Définissez avec lui des personnes de confiance à qui il peut s’ouvrir.

Libérer la parole de votre enfant est essentiel. Avant toute agression sexuelle, il y a une sollicitat­ion et c’est à ce moment que tout se joue. Si l’enfant se tait, le plan de l’agresseur s’enclenche. Si l’enfant parle, le plan est saboté.

La règle d’or, c’est: «Quelqu’un que tu ne connais pas, tu n’engages pas la conversati­on,-. » Faites des jeux de rôles. « Un monsieur te demande de l’aider à chercher son chat, qu’est-ce que tu fais ? » Plus votre enfant aura repéré de situations potentiell­ement risquées, mieux il saura repérer les signaux de danger. Cela lui permettra aussi de réaliser que la personne dont il faut se méfier n’est pas un monstre. Elle peut même avoir l’air très gentil, ressembler à son grandpère ou venir lui proposer de l’aide. ✪

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