La grande question Décaler le début de son congé, est-ce une bonne idée ?
Quand le congé prénatal approche, on pense parfois à le réduire pour pouvoir allonger d’autant son congé postnatal. On hésite, on pèse le pour et le contre… L’avis de nos deux spécialistes de la maternité.
Nombre de futures mamans attendent impatiemment la date de leur congé maternité pour pouvoir (enfin) se reposer un peu et préparer l’arrivée de leur bébé. Toutes ? Non. Certaines se sentant en forme apprécient de continuer à travailler quelques semaines de plus pour pouvoir, après la naissance, profiter davantage de leur nouveau-né. En effet, depuis 2007, la loi autorise les femmes enceintes à reporter une partie de leur congé prénatal après l’accouchement comme le précise l’article de loi L1225-17: «A la demande de la salariée et sous réserve d’un avis favorable du professionnel de santé qui suit la grossesse, la période de suspension du contrat de travail qui commence avant la date présumée de l’accouchement peut être réduite d’une durée maximale de trois semaines. La période postérieure à la date présumée de l’accouchement est alors augmentée d’autant.» Le report d’une partie – une, deux ou trois semaines – du congé prénatal après la naissance du bébé est un droit pour la salariée: l’employeur ne peut pas le refuser ni l’imposer non plus. Comment procéder si vous le souhaitez ? Il vous faut donc l’accord de votre sage-femme ou de votre obstétricien (qui considère forme, moral et conditions de travail de sa patiente pour se déterminer) car la grossesse doit se dérouler « normalement » afin d’éviter tout risque pour la future mère et le foetus. Vous devez ensuite transmettre votre demande de report accompagnée de l’attestation médicale mentionnant l’absence de contre-indication médicale à votre caisse d’assurance maladie au plus tard au début de votre congé prénatal légal.
Les choses étant posées, y a-t-il une manière de faire meilleure que l’autre? Se reposer un maximum avant l’accouchement ou au contraire tout miser sur l’après naissance ? Nous avons demandé l’avis de Maud Boggio, sage-femme homéopathe, et de Séverine Dagand, psychologue spécialisée en périnatalité.
« ATTENTION À NE PAS ARRIVER ÉPUISÉE À L’ACCOUCHEMENT ! » Maud Boggio, sage-femme homéopathe
Qui profite de cette possibilité de report d’une partie du congé prénatal ? Certainement pas les femmes qui sont sollicitées physiquement pendant leurs heures de travail, à savoir les ouvrières, les nounous à domicile, les
vendeuses, etc. Au huitième mois, elles sont exténuées. En revanche, les futures mères ayant des postes à responsabilité et celles pouvant bénéficier du télétravail sont a priori moins « au bout du rouleau » et peuvent être tentées.
Pourquoi certaines futures mamans sont-elles partantes pour ce report? Parce qu’elles veulent «gratter» un peu de temps pour profiter de leur nourrisson après l’accouchement, parce que LE CONGÉ POSTNATAL EST TROP COURT et n’est pas très adapté au bouleversement qu’est la naissance d’un enfant. Ces futures mères privilégient la possibilité de passer du temps en famille et on peut aisément les comprendre.
Attention cependant ! A trop vouloir reporter une partie du congé prénatal sur le congé postnatal, les futures mères risquent d’arriver épuisées à l’accouchement. Six semaines ne sont pas de trop pour récupérer de la fatigue accumulée pendant les sept premiers mois de grossesse, pour «se poser» tout simplement, être en forme afin de mieux appréhender l’épreuve physique de l’accouchement. Plus une femme est exténuée le jour J, plus il lui sera difficile d’aborder sereinement les semaines qui suivront.
Choisir de décaler le début de son congé maternité (ou pas) est un choix personnel. Il est cependant préférable de bien y réfléchir auparavant.
Un congé maternité, qu’il soit prénatal ou postnatal, doit prendre en compte la santé physique ET psychique de la future mère. Or, cette deuxième notion est bien souvent négligée. Si la grossesse et la naissance d’un enfant sont des bouleversements corporels et physiques, il n’en reste pas moins que ce sont également de vrais chamboulements dans la tête – quelle mère vais-je être pour mon enfant ? Quelle éducation puis-je lui donner ? Quelle place accorder au futur père ? Etc.
Devenir mère se prépare psychiquement. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’une future maman a besoin de temps pour « s’ennuyer », se penser mère, rêver à son futur enfant, pouvoir imaginer tous les bonheurs de la maternité mais aussi élaborer ses inquiétudes, ses craintes, ses doutes, bref écouter sa petite voix intérieure. Tout cela fait partie du processus de la maternité et il est préférable d’avoir à sa disposition des heures libres et tranquilles, sans urgence, à soi. Lorsque la femme n’a pas eu (pris) assez de temps pour se préparer à la naissance de son enfant, il peut y avoir après un risque de décompensation, c’est-à-dire d’effondrement. Elle se prend alors de plein fouet la « dure » réalité – épuisement, baby-blues, bébé hurlant et inconsolable, nuits hachées, et beaucoup de questionnements…
Je dirais donc que tout dépend de la situation personnelle, familiale… chaque femme est différente. Alors, certes, le congé maternité français est bien trop court mais vaut-il mieux privilégier le temps passé avec son bébé plutôt que de se préparer à l’accueillir au mieux ? La réponse est en chacune de nous. ✪
« UNE FEMME A BESOIN DE TEMPS POUR SE PENSER MÈRE »
Séverine Dagand, psychologue spécialisée en périnatalité