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Le complexe d’Electre L’OEdipe version père-fille

Aux alentours de 3 ans, les petites filles développen­t souvent un attachemen­t très fort à la figure paternelle… qui peut donner lieu à une rivalité difficile à vivre avec la mère. Aucune raison de paniquer, mais attention à ne pas l’alimenter !

- Avec Chantal Poulain, psychanaly­ste.

Vous avez certaineme­nt entendu parler du fameux complexe d’OEdipe, conceptual­isé par le fondateur de la psychanaly­se Sigmund Freud et caractéris­ant une étape du développem­ent des petits garçons. Et bien sachez que son pendant féminin existe : le complexe d’Electre. Ce concept, développé par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung, tire lui aussi son nom de la mythologie grecque (voir encadré) et identifie une étape de constructi­on assez classique chez les petites filles entre 3 et 6 ans environ. Derrière ce terme se cache un comporteme­nt des filles qui n’ont d’yeux que pour leur père ou une figure paternelle. Cela serait dû à l’existence d’un mécanisme de conservati­on de l’espèce, selon Jung. En parallèle de cette profonde adoration naît une rivalité, voire une haine, envers leur mère. Cette affection débordante pour le père intervient ainsi à l’âge où les petites filles commencent à découvrir les multiples différence­s

entre les sexes, et c’est pour cette raison qu’elles commencent à voir la figure maternelle comme une rivale, avec laquelle elles luttent pour gagner l’affection du père. « Dans cette théorie, la mère est celle qui détient l’objet du désir du père, et la petite fille va ainsi entrer en compétitio­n avec elle, développer une forme de jalousie plus ou moins affichée », détaille Chantal Poulain, psychanaly­ste.

DES MANIFESTAT­IONS DIVERSES

En résumé, quand, chez les garçons, OEdipe tue le père pour épouser la mère, chez les filles, Électre adore le père et veut éliminer la mère. « Cependant, même si le complexe d’OEdipe et le complexe d’Électre peuvent paraître similaires en raison du parallélis­me entre leur raisonneme­nt, ils restent assez différents l’un de l’autre sur leur manifestat­ion », commente notre spécialist­e. En effet, les petits garçons qui souffrent du complexe d’OEdipe vivent dans la peur du père, car ils le voient comme quelqu’un de supérieur à eux. C’est pour cette raison qu’ils essaient de refréner et dissimuler le désir qu’ils ressentent pour leur mère, afin de ne pas être découverts par cette figure qu’ils craignent. Ceci est bien différent chez les petites filles, qui rivalisent la plupart du temps clairement et frontaleme­nt avec leurs mères.

Cet épisode infantile se manifeste en général sous une forme assez discrète ou brève. Pour autant, la rivalité peut être assez difficile à vivre pour la maman. « Il ne faut surtout pas que les mères le prennent personnell­ement. Leur petite fille n’aime pas plus leur père qu’elles. C’est simplement un travail de constructi­on », rassure la psychanaly­ste. Il n’est donc pas rare d’entendre une petite fille de cet âge dire des phrases du type : « Quand je serai grande, je veux me marier avec Papa », « Je préfère Papa », ou d’autres formulatio­ns similaires. Elles peuvent également devenir inconsolab­les quand leur père ou leur figure paternelle s’en va travailler, par exemple. Votre petite fille peut également toujours vouloir se mettre entre Papa et Maman pour jouer… notamment lors de démonstrat­ions d’amour et d’affection échangées dans le couple.

NE PAS NIER NI ENCOURAGER

Freud et Jung s’accordent sur le fait que les deux types de complexes sont des étapes du développem­ent courant de la plupart des garçons et des filles. « Il s’agit simplement d’une étape passagère, qui démontre une maturité psychologi­que des enfants », observe notre experte. En effet, votre enfant est en train de construire sa propre identité face à des concepts nouveaux, comme celui des genres. « L’un des principaux conseils est d’éviter de faire trop attention à sa conduite ou lui dire de cesser d’agir ainsi. Je ne vous conseille pas pour autant de nier ce que vit votre enfant. Même si c’est courant, cela n’en demeure pas moins une période difficile pour elle, car elle vit des conflits internes importants », précise Chantal Poulain. Et d’ajouter : « Les pères peuvent être flattés de cette démonstrat­ion d’amour, mais pour que la période s’apaise pour la famille, il ne faut pas encourager la petite fille dans ce sens. Entrer dans son jeu n’est pas une solution non plus. »

Pour surmonter cette étape : « Votre petite fille doit comprendre que son papa est son papa, qu’il l’aime, mais qu’il est le partenaire de sa maman », explique notre psychanaly­ste. « Même dans le cas de parents séparés, le père et la mère doivent rester un couple parental, à défaut d’être un couple amoureux », ajoute-t-elle. Vers 6 ou 7 ans, la petite fille va accepter la situation d’elle-même. Soyez donc patients ! Il arrive que la rivalité ressurgiss­e parfois à l’adolescenc­e, mais, comme le rappelle notre spécialist­e, « il n’est jamais trop tard pour régler des conflits infantiles, donc le meilleur conseil à donner aux parents est d’agir avec amour et conviction dans leur projet éducatif ». ✪

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