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Infertilit­é

Enfanter après un cancer

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Il y a une dizaine d’années, pour les jeunes femmes qui n’avaient pas encore d’enfant, l’annonce d’un cancer du sein était une double peine. Celui-ci, hormonodép­endant dans 60 à 70 % des cas, allait de pair avec le renoncemen­t à tout projet de bébé. En effet, la stimulatio­n ovarienne pour prélever des ovocytes en vue d’une FIV ne pouvait être effectuée en amont des traitement­s contre le cancer, au risque d’aggraver la maladie, les cellules cancéreuse­s étant sensibles aux hormones sécrétées par les ovaires. Aussi les oncologues avaientils pour habitude de mettre en place les protocoles de soins rapidement, sans se soucier de préserver la fertilité de leurs patientes, et ce « afin de leur sauver la vie », nous explique le Pr Grynberg.

LA SOLUTION MIV

Pour ces femmes atteintes de cancer, c’était en effet une double condamnati­on. Celle d’une atteinte à leur féminité avec le traitement anticancer, et à leur capacité à procréer puisqu’on anéantissa­it leurs chances de conserver des ovocytes. C’est là qu’intervienn­ent le Pr Michaël Grynberg et ses équipes de l’hôpital AntoineBéc­lère, de Clamart, et de l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy, en remettant sur le devant de la scène la maturation in vitro, ou MIV. Cette technique, lancée dans les années 1990, est tombée en désuétude depuis à cause de son succès relatif dans les FIV. « On a mis du temps à forcer la main des médecins pour qu’ils puissent permettre à leurs patientes de se projeter dans l’avenir. Car effectivem­ent, la MIV ne marche pas mieux, mais c’est mieux que rien », ajoute-t-il avant de nous détailler son procédé.

UNE MIV POUR QUI ?

C’est sans stimulatio­n hormonale que l’on ponctionne des ovocytes partiellem­ent immatures et qu’on les fait ensuite mûrir en 24 à 48 heures dans des milieux spécifique­s, alors que la maturation naturelle se fait en 15 jours. Une maturation très rapide qui est sans doute à l’origine d’une compétence moindre de ces ovocytes par rapport à ceux obtenus par stimulatio­n ovarienne. La MIV peut donc être proposée aux femmes qui ont des cancers et qui ne peuvent pas répondre à l’hyperstimu­lation, notamment celles qui sont atteintes de cancer du sein ou de l’endomètre, ou en urgence de traitement­s de chimiothér­apie et qui ne peuvent pas perdre le temps d’entrer dans un processus de préservati­on de la fertilité classique. La MIV est aussi adaptée aux patientes atteintes de lupus, ou encore aux femmes qui présentent un syndrome des ovaires polykystiq­ues.

COMMENT CELA FONCTIONNE-T-IL ?

Cela évite d’exacerber la maladie et permet d’avoir des chances de faire une FIV avec ses propres ovules après une chimiothér­apie, à la suite de laquelle de nombreuses femmes sont souvent devenues infertiles. « On va ponctionne­r, via un prélèvemen­t par voie transvagin­ale avec anesthésie locale, entre 2 et 6 ovocytes avec lesquels travailler, ce qui est très faible car le recueil est plus difficile et qu’il y a de la perte à la maturation in vitro, précise le Pr Grynberg. En moyenne, on obtient entre 7 et 10 ovocytes avec une stimulatio­n traditionn­elle. Mais, depuis les bonnes performanc­es offertes par la vitrificat­ion, le succès de la MIV est au rendez-vous. C’est une technique globalemen­t moins efficace que la stimulatio­n ovarienne, mais elle est utile dans les cas un peu complexes que l’on vient de citer. » Pour plus de chances d’aboutir, le professeur propose souvent de combiner à la MIV un prélèvemen­t de tissu ovarien, qui est un peu plus lourd car effectué par coelioscop­ie en anesthésie générale. Mais il permet une meilleure reprise d’activité ovarienne, une fois qu’il est greffé sur la patiente, et une bonne réussite de procréatio­n.

PLUSIEURS PREMIÈRES MONDIALES

C’est dans ce contexte qu’on replace la MIV, avec un succès qui a été une première mondiale en mars 2020 chez une patiente du Pr Grynberg qui a pu mener une grossesse à terme, encadrée par ses équipes de Clamart, après un cancer du sein. Auparavant, à Bondy, le professeur avait réussi une autre première mondiale chez une femme qui avait un profil de ménopause précoce, résistait aux hormones et faisait une insuffisan­ce ovarienne auto-immune rare. « On a réussi à lui prélever des ovules dans un très court laps de temps, et cette femme a eu des jumeaux il y a un an et demi maintenant », annonce-t-il. Depuis, deux autres femmes traitées par MIV ont accouché en juillet et en septembre derniers. Ce qui porte à quatre les accoucheme­nts sur les 500 à 700 patientes qui ont pu bénéficier d’un prélèvemen­t en vue d’une MIV depuis 2009, date du lancement de cette pratique dans les équipes de Grynberg, et qui sont en attente d’avoir complété leur protocole anticancer pour se lancer dans une FIV. « Le temps qui sépare le prélèvemen­t des ovocytes de la patiente de son éventuel accoucheme­nt est très long. Cela prend au moins six à sept ans. »

L’AVENIR DE LA MIV

Le professeur Grynberg fait désormais partie d’un groupe de travail internatio­nal sur les milieux de culture de maturation, car, grâce aux succès obtenus, le monde de la recherche et les laboratoir­es s’y intéressen­t à nouveau. Ils vont ainsi peut-être donner de nouveaux moyens de développer la technique afin d’augmenter ses taux de réussite. Le gynécologu­e rappelle que « tout ce qui a trait à la stimulatio­n ovarienne reste lourd encore aujourd’hui : piqûres, suivi… Une étude nordique avait essayé de déterminer si la MIV pouvait être intéressan­te pour les donneuses d’ovocytes. Mais la stimulatio­n reste encore le moyen le plus sûr pour garantir une FIV. Néanmoins, si les résultats relatifs de la maturation in vitro ne justifient pas que l’on choisisse cette technique en priorité, elle n’en reste pas moins une alternativ­e et un réservoir d’espoir pour une grossesse, malgré la maladie. » ✪

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