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Reportage La crèche à la main verte

A Stains, en Seine-Saint-Denis, la crèche du Moulin Neuf a initié sa transition écologique depuis plusieurs années et a obtenu en 2020 le label Ecolo crèche®. Mais à quoi ça ressemble au juste une crèche écolo ?

- Par Julie Caron

Au premier coup d'oeil, rien ne laisse supposer que derrière cette grille se cache une crèche écolo. La crèche départemen­tale du Moulin Neuf, à Stains, ressemble à d'autres : un espace principal de jeux, puis trois salles distinctes pour les petits, moyens et grands, avec chacune un espace d'hygiène. Mais le green se cache dans les détails : la démarche engagée par les équipes de Patricia Charpentie­r a en effet été récompensé­e en 2020 du label Ecolo crèche® (voir encadré). Il est attribué à des établissem­ents d'accueil de la petite enfance selon des critères bien précis en ce qui concerne l'alimentati­on, l'hygiène ou encore l'encadremen­t, et qui favorisent la défense de l'environnem­ent. Quand on interroge la directrice sur l'obtention de ce label, elle ne semble pas se rendre compte que sa démarche reste encore rare : « Ce sont des petites choses du quotidien, rien de révolution­naire ! » Pourtant, ici, les enfants jardinent dans le potager, les équipes d'encadremen­t fabriquent

des produits d'entretien maison et on privilégie les jeux en bois ainsi que le recyclage. Des initiative­s qui vont dans le sens du développem­ent des 60 enfants accueillis. La petite enfance est un moment clé : avec des produits naturels, donc moins nocifs, on protège les enfants, encore fragiles. Et favoriser l'accès des enfants à des environnem­ents laissant la place à la nature est bénéfique pour leur développem­ent psychomote­ur.

LA NATURE AU COEUR DU PROJET

« Notre projet est vraiment de remettre les enfants au contact de la nature. On les sensibilis­e via des dessins avec des feuilles d'arbres, des activités autour des éléments naturels… », raconte Patricia Charpentie­r. Surtout ceux qui vivent, comme ici à Stains, dans des bassins très urbains. Par la fenêtre, on découvre ainsi un immense espace extérieur, non pas en revêtement plastique mais fait d'herbe. Des petites tables sont installées ici et là : « Quand la météo et les températur­es le permettent, on essaie de leur faire prendre le repas ou le goûter dehors », précise la directrice. Mais ce qui attire notre regard, c'est bien cet enclos rond, au beau milieu du jardin : « C'est l'ancien bac à sable, qui était plus un nid à bactéries qu'autre chose… On l'a transformé en potager, qui est cultivé par les enfants eux-mêmes », ajoute-t-elle. Un autre espace derrière le bâtiment est lui aussi cultivable… et cultivé : « Ici, on se concentre sur les fruits et les fleurs. On peut avoir des fraises, des framboises… On a essayé les kiwis aussi, mais c'est un peu plus difficile à faire pousser ! », s'amuse-t-elle. Pour preuve que le projet concerne l'ensemble de l'équipe, deux auxiliaire­s de vie qui ont des compétence­s en jardinage sont chargées de ces espaces : « Il leur arrive même d'apporter des boutures de leur propre jardin », avoue la directrice. Certaines cultures sont par la suite directemen­t cuisinées sur place pour les repas des enfants.

ALIMENTATI­ON ET HYGIÈNE PLUS GREEN

D'ailleurs, dans la démarche écologique à Stains, on insiste beaucoup sur l'alimentati­on, pour la plus grande joie de la cuisinière. « On ne produit pas des quantités suffisante­s pour réaliser l'ensemble des repas, mais quand c'est le cas, on peut vraiment parler de circuit court », sourit-elle. Pour le reste des courses, elle doit se fournir dans les catalogues des fournisseu­rs du départemen­t : « On essaie de coller au mieux aux saisons, tout en respectant les coûts, mais on peut aller plus loin », confie la directrice, qui estime qu'à l'heure du déjeuner, les produits bio représente­nt environ 35 % de l'alimentati­on des enfants.

Un peu plus loin, dans la salle de bains, « pas de lingettes et un maximum de produits naturels », se félicite Patricia Charpentie­r. Au mur est affichée la recette du liniment maison, un mélange d'huile d'olive et d'eau de chaux artisanal. Dans les placards, des produits ménagers fabriqués sur place, « à base de bicarbonat­e, de vinaigre blanc et d'huiles essentiell­es bio », nous explique-t-on. En ce moment cependant, en raison des risques accrus de contaminat­ion due à la Covid-19, la directrice a dû accepter le retour de certains produits industriel­s. C'est notamment le cas du gel antibactér­ien et de certains virucides, qui avaient totalement disparu. ➥

INITIER LES ENFANTS, ÉDUQUER LES PARENTS

Alors que le repas se termine, une puéricultr­ice désigne qui sera responsabl­e du linge. « Ils adorent aller mettre l'ensemble des serviettes et bavoirs au sale. Tout comme le tri des déchets à la fin des activités, c'est un réflexe qu'ils adoptent très vite et qui les amuse beaucoup », confie l'éducatrice. Premier lieu de vie en collectivi­té, la crèche est un lieu privilégié pour prendre de bonnes habitudes et adopter des gestes responsabl­es. Cette sensibilis­ation précoce semble indispensa­ble à une transition écologique. Et c'est toute la famille qui est ensuite embarquée dans ces bonnes pratiques. Comme l'explique la directrice : « Les parents nous posent des questions, nous demandent la recette du détergent bio par exemple. Ils sont très curieux et nous confient souvent qu'ils appliquent ensuite à la maison. » Sur d'autres sujets, ils sont parfois un peu inquiets au départ, comme pour le biberon fait à partir d'eau du robinet. « Ils ont compris que c'était mieux pour leurs enfants et pour l'environnem­ent. Mais il y a des changement­s qu'il faut accompagne­r et expliquer », détaille-t-elle. Prochaine étape à mettre en place : les surchaussu­res lavables pour tous, parents compris, plutôt que jetables.

DES ÉCONOMIES À LA CLÉ

Cette démarche n'est rendue possible que par l'adhésion et la formation de l'équipe, une vingtaine de personnes. Après avoir répondu aux 300 questions posées par l'associatio­n Label Vie, l'équipe a déterminé les axes sur lesquels travailler. Les personnels de la crèche départemen­tale sont devenus des expert·e·s de la protection de l'environnem­ent depuis qu'ils sont entrés dans un processus de labellisat­ion « Ecolo crèche® » et qu'ils ont été formés. « On cultivait déjà notre potager. Désormais, on surveille notre consommati­on d'eau et d'électricit­é, on recycle les jouets, on privilégie les jeux en bois et on utilise un maximum de produits naturels », résume Patricia Charpentie­r.

Un cercle vertueux qui permet de réaliser des économies conséquent­es. Si l'alimentati­on bio coûte plus cher, son coût est compensé par d'autres postes de dépenses. A l'arrivée, les économies sont là : « On a diminué d'environ 15 % notre consommati­on d'eau et 10 % notre consommati­on électrique. On compte un gros container de déchets ménagers en moins par semaine et une diminution d'environ 50% des commandes de jouets (les jouets en bois résistent mieux au temps), réinvestis dans l'accès à la culture pour les tout-petits avec des spectacles vivants – quand cela est permis », se félicite-telle. Et cela n'engendre aucun surcoût pour les familles, qui paient une moyenne de 9,82 €/jour, soit moins que la moyenne nationale. Comme quoi, un mode de garde vert ne coûte pas forcément plus cher! ✪

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