La vitamine D favoriserait-elle les coliques chez les bébés?
Selon certains témoignages de mamans, la vitamine D favoriserait les coliques et serait même un perturbateur endocrinien. Mythe ou réalité ?
Par Marine Chassang Filipe, avec la Dre Julie Salomon, pédiatre et directrice médicale adjointe de Qare (service de téléconsultation médicale).
« Je me décide à arrêter de donner cette vitamine D à ma fille pour voir les effets. En quelques jours à peine, j’ai pu voir une nette différence… Elle se tortille moins, ne pleure plus et évacue ses selles beaucoup plus rapidement. »
Si on cherche bien sur la Toile, on retrouve de nombreux témoignages de parents, comme celui ci-dessous, qui accusent la vitamine D, prescrite aux bébés de la sortie de la maternité jusqu'à leurs 18 mois environ, de provoquer des coliques et une mauvaise digestion chez leurs nourrissons. Le décryptage d'une pédiatre.
PARLE-T-ON RÉELLEMENT DE COLIQUES ?
En pratique, la vitamine D n'a pas de raison de provoquer des coliques chez un bébé. Il n'y a d'ailleurs aucune information médicale démontrant une certaine toxicité pour l'enfant publiée sur ce sujet. Il faut d'abord se demander si on peut vraiment parler de « coliques ». Plusieurs éléments peuvent être des facteurs de confusion : les coliques se manifestent d'abord par des pleurs. L'enfant se crispe, va avoir éventuellement des gaz et des ballonnements, pendant une période assez caricaturale qui se situe entre 4 et 12 semaines et pendant laquelle s'installe le microbiote intestinal : une période déjà délicate en soi. À cela peut s'ajouter un autre épisode tout aussi inconfortable pour l'enfant, qui se caractérise par des reflux avec complications. Reflux et coliques sont des troubles digestifs qui peuvent coexister et donc jouer dans la confusion. Les régurgitations (qui sont du lait extériorisé) en elles-mêmes n'ont pas de conséquences. Lorsqu'elles deviennent irritantes et associées à des symptômes de douleur, notamment des sensations de brûlure, on parle alors d'une maladie du reflux, qui pourra être prise en charge et traitée, comme l'oesophagite. Si un bébé réagit à la vitamine D, c'est peut-être plus particulièrement à l'excipient à base d'orange ou d'essence d'orange qu'elle contient, car l'orange peut être un irritant pour l'estomac.
Nous parlons alors davantage d'oesophagite plutôt que de coliques. Ce trouble pourrait être en cause dans l'irritation et dans la symptomatologie de reflux. Il n'en serait pas la cause principale, mais ajouterait des symptômes à ceux d'un enfant déjà sujet aux reflux. Enfin, la vitamine D est liposoluble et donc transportée dans un corps gras et huileux : un enfant qui a une immaturité du système entéropathique (qui aide à digérer le gras) peut mal le tolérer. Certaines mères qui décident d'arrêter de donner de la vitamine D à leur enfant peuvent alors y trouver une sorte de bénéfice.
PEUT-ON ARRÊTER DE DONNER DE LA VITAMINE D À SON ENFANT ?
Non, il ne faut pas arrêter la vitamine D en raison des risques de rachitisme. En plus de son rôle immunitaire (protection et défense contre certaines infections), la vitamine D permet d'aider à absorber le calcium dans l'intestin. Le lait maternel est parfait pour diverses raisons, mais il n'est pas suffisamment riche en vitamine D. Depuis plusieurs décennies, les laits infantiles ont été supplémentés en vitamine D mais, malgré tout, il y a quand même besoin d'en rajouter, notamment chez les petits qui ne sont pas exposés au soleil, et c'est bien normal. La vitamine D est prescrite sous forme de gouttes pendant un an et demi. L'été des 18 mois de l'enfant, on passe sur des doses trimestrielles, puis sous forme d'ampoules buvables à chaque période hivernale au moins jusqu'à ses 5 ans, voire plus longtemps pour les enfants avec une alimentation déséquilibrée.
EXISTE-T-IL DES ALTERNATIVES À CETTE VITAMINE ?
Dans certains types de situations, on peut être amené à donner des ampoules pour rattraper les carences. Les inconforts digestifs, qu'ils soient liés à l'oesophage (oesophagite) ou à l'intestin (coliques), passent avec le temps. Avant toute chose, il est important de vérifier que l'enfant ne souffre pas vraiment d'oesophagite. Auquel cas, il faudra lui donner un traitement adapté, et ce n'est pas retirer la vitamine D qui le soignera ! Il faut aussi prendre en considération les coliques associées, adapter son alimentation, lui donner éventuellement des probiotiques, mais en tout cas, se donner un petit peu de temps. Le risque de ne pas donner de la vitamine D est bien trop important par rapport au risque de la douleur qu'elle provoque chez certains enfants, surtout si on peut la soulager, car elle correspond en réalité à un autre problème.
LA VITAMINE D ADRIGYL SERAIT SUSPECTÉE D’ÊTRE UN PERTURBATEUR ENDOCRINIEN…
Précisément, c'est le véhicule de son principe actif, l'hydroxytoluène butylé (BHT), qui serait remis en cause. Par mesure de précaution, son remplacement serait à l'étude, comme l'indique cet extrait du rapport en date du 28 janvier 2020 du Comité scientifique permanent de surveillance et de pharmacovigilance (CSP) de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) : « En l'état, le CSP ne peut établir de lien entre les troubles (…) observés et la présence de BHT dans la spécialité Adrigyl. Il est noté que le BHT est présent dans l'alimentation ainsi que dans d'autres médicaments (…). À titre de précaution, le CSP propose de demander au laboratoire titulaire de l'AMM la possibilité de remplacer le BHT par un autre conservateur. Les excipients présents dans la solution buvable Adrigyl (BHT, saccharine, acide sorbique, huile essentielle de citron, oléate de polyoxyéthylène glycol 250) ne font pas partie de la liste des excipients à effet notoire en vigueur établie par l'Agence européenne du médicament (EMA). Néanmoins, je pense sincèrement que s'il devait y avoir une crainte, ça ne serait pas à ce niveau de doses et les symptômes auraient été immédiats. » Que les parents se rassurent ! Et si votre enfant présente des symptômes avec Adrigyl, pensez à contacter votre médecin. ✪