Magicmaman

Notre enquête Des mères sacrément (dé)chargées !

Attention, batterie faible ! Beaucoup de mamans sont fatiguées d’avoir à penser à tout, tout le temps, pour assurer le bon fonctionne­ment du foyer. Car aujourd’hui encore, la charge mentale pèse en large majorité sur les femmes, qui frôlent pour certaines

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T'as pensé à acheter de la farine ? T'as pensé à préparer ses affaires pour le judo? T'as pensé à réserver pour les vacances?» Ce début de phrase, «T'as pensé à», illustre à lui seul le poids de la charge mentale. Derrière cette expression, entrée au Larousse en 2020, se cachent toutes les choses auxquelles les femmes doivent constammen­t penser, une sorte de double travail invisible. Car même si les compagnons participen­t, ils se font surtout exécutants, là où la femme est bien souvent «cheffe de projets»: choisir les menus, faire la liste de courses et gérer les plannings de toute la famille. Pour dénoncer ce phénomène, Coline Charpentie­r – sous le pseudonyme « Marie» –, une mère de famille féministe, a décidé de lancer le compte Instagram « T'as pensé à », à l'origine d'un livre du même nom : « Mes copines semblaient toutes dans le même état. Elles regardaien­t l'heure en se demandant comment passer au supermarch­é avant le biberon, comment caser les devoirs tout en donnant le bain à la petite. Je les voyais sur leur portable gérer des listes et le planning. Ce compte Instagram permet de rendre visible le poids d'une charge mentale déséquilib­rée dans un couple. Il met des mots sur le mal-être profond et inexplicab­le que l'on peut ressentir. » La jeune femme a été surprise par le nombre incroyable de témoignage­s reçus et compte aujourd'hui plus de 161000 abonnés.

PENSER À TOUT, TOUT LE TEMPS

Comme cette jeune maman, beaucoup de femmes sont fatiguées d'avoir à penser à tout pour assurer le bon fonctionne­ment du foyer, car aujourd'hui encore, cette charge mentale pèse en large majorité sur elles. D'après l'étude magicmaman menée par l'IDM – Families, 91 % des mères ont le sentiment de devoir penser à trop de choses depuis qu'elles sont mamans. En moyenne, elles évaluent leur charge mentale à 7/10. Pire: près d'1 mère sur 2 (48%) déclare avoir une charge mentale très importante, et l'évalue entre 8 et 10/10. Un taux plus important auprès des multipares (55 % vs. 38 % pour les mères d'un seul enfant). Or, cette charge mentale a un impact sur le quotidien : 83 % des mères déclarent qu'elle engendre de la fatigue, 56 % une irritabili­té et 46 % du stress. Pour 35 % des mères, elle peut également faire naître des tensions au sein du couple. Pour 55 % des mères, la tendance s'est même accentuée depuis plus d'un an et demi, avec la crise sanitaire. Cependant, celles pratiquant le télétravai­l estiment à 58 % que leur charge mentale est soulagée.

QUAND LA CHARGE EST TROP LOURDE

Les conséquenc­es de cette charge mentale peuvent aller plus loin. Quand elle est trop difficile à supporter, certains couples et certains parents peuvent succomber à la fatigue, la dépression, voire au burn out parental. C'est ce qu'a vécu Cathy Guillaume. À l'arrivée de son deuxième enfant, elle sent qu'elle n'y arrive plus. « La vie de parent génère souvent du stress. Les mères ont ce sentiment de devoir penser à tout, mais parfois, cette charge mentale est trop lourde », commence-t-elle. « J'étais

là physiqueme­nt pour m'occuper de mon enfant, mais mentalemen­t, j'étais ailleurs. Je m'échappais pour ne pas craquer. Je ne prenais plus aucun plaisir à prendre soin de lui», raconte-t-elle. Avec Stop au burn-out maternel, cette psychologu­e livre ainsi son expérience de Cocotte-Minute prête à exploser, en espérant aider d'autres mamans.

VERS UN MEILLEUR ÉQUILIBRE DES TÂCHES

Il existe des moyens de prévenir ces situations extrêmes et d'agir à la source. C'est l'objet de l'ouvrage de Cathy, dans lequel elle détaille la manière dont elle a réussi à dépasser son épuisement. Réussir à déléguer et partager semble être la clé. D'après notre étude, 81% des mères souhaitera­ient avoir une aide: de leur conjoint avec une meilleure répartitio­n des tâches (42%), et/ou en faisant appel à un service d'aide à la personne (38%), ou encore à sa famille/ses amis (32 %). Notamment, 59 % des mères souhaitera­ient déléguer le ménage, et 40% la préparatio­n des repas.

« Plus que tout, j'aimerais que mon mari prenne en charge certaines tâches du foyer de A à Z. Passer la serpillièr­e, c'est bien. S'assurer que l'on a du produit pour le sol avant, et en acheter le cas échéant, c'est mieux. Pareil pour les courses: ce qui me prend du temps, ce n'est pas simplement le fait d'y aller, c'est de prévoir que l'on ait tout ce dont on a besoin pour la semaine, penser aux goûters des petits, prévoir l'apéro pour les amis que l'on a invités, etc. C'est pas gagné!» résume Nadège, l'une de nos lectrices, mère de trois enfants.

LE CONGÉ PATERNITÉ À LA RESCOUSSE

De nombreux sociologue­s ont observé que la répartitio­n des tâches se déséquilib­re fortement à l'arrivée du premier enfant. Or, si l'on veut que notre partenaire, en l'occurrence l'homme, prenne en charge certaines missions, il faut bien qu'il en ait la pleine responsabi­lité. Avec l'allongemen­t du congé paternité, un premier pas est franchi. Tristan Champion, auteur de La Barbe et le Biberon, en est convaincu. Ce père de trois enfants va plus loin, en incitant les hommes à prendre les jours qui leur sont autorisés seuls, quand la mère a repris le travail : « Cela permet de devenir le seul pilote. Quand j'ai eu

mes jours sans ma femme, j'étais, de fait, obligé de prendre plus de responsabi­lités. Pour la mère, cela l'oblige également à lâcher prise, à faire confiance à son compagnon, et donc à partager la charge mentale », explique-t-il.

Car si les hommes ont leur responsabi­lité à prendre, les mères doivent également être prêtes à ce difficile lâcher-prise face à leur désir de perfection, comme le détaille Aurélia Schneider, auteure de La Charge mentale des femmes… et celle des hommes : «Avant de savoir faire, elles ont fait des erreurs, elles aussi. Elles doivent laisser leur compagnon faire leurs apprentiss­ages. Le père a la même volonté que la mère que tout se passe bien et que leur enfant se porte bien. Alors tant pis si la tenue de votre bébé n'est pas à votre goût, ou s'il n'a pas pris votre marque de lessive habituelle. À force, vous vous sentirez beaucoup mieux en étant plus flexibles sur certaines questions. »

ÊTRE UN BON PARENT À L’HEURE DES RÉSEAUX SOCIAUX

Selon elle, conscienti­ser cette problémati­que est un premier pas vers un mieux-être : « Le problème, c'est quand ces pensées ou manières de faire influencen­t notre bonheur, voire notre santé. Il n'y a aucun problème à repasser tous vos vêtements et vos draps si c'est votre truc, mais il faut lâcher prise ailleurs pour trouver un équilibre, sinon, vous allez craquer. Éloignons-nous de cette image d'Épinal de superwoman ou de Shiva des temps modernes.» Devenir parent entraîne un flot de questionne­ments. On doute beaucoup, et on a le sentiment de se tromper souvent. Face aux vies parfaites de certains parents sur les réseaux, qui semblent en pleine harmonie de couple, dont les enfants sont toujours parfaiteme­nt habillés… difficile de ne pas se sentir dépassés. « Il est important de se dire qu'un mauvais parent n'existe pas. Il est impossible de penser à tout! On le répète souvent: les réseaux sociaux ne sont pas le reflet de la vraie vie. Tous les parents galèrent à un moment ou à un autre ! » conseille-t-elle.

POUR UNE MUTATION EN PROFONDEUR DE LA SOCIÉTÉ

Cette nouvelle génération d'hommes plus impliqués et les questions d'égalité des sexes toujours plus présentes vont-elles arriver à bout de cette charge mentale? Les mères semblent avoir du mal à envisager un changement en profondeur pour l'avenir. Pourtant, réussir à installer un meilleur équilibre, c'est aussi penser aux futures génération­s. « Quand on comprend que le problème vient de notre éducation et des modèles genrés, on a encore tout un chemin à faire. C'est une révolution du couple et des modèles d'éducations que je propose », explique Coline Charpentie­r à propos de son ouvrage. « C'est à cette génération de faire bouger les choses ! » insiste Aurélia Schneider. Notre maman témoin Nadège a décidé d'arrêter de reproduire le schéma qu'elle a observé chez sa mère : « Si nous voulons transforme­r la société, il faut commencer par changer ce modèle de famille. Nous devons être des modèles d'égalité au sein de notre foyer pour nos enfants, et je mets un point d'honneur à traiter en égaux mon fils et ma fille devant les tâches domestique­s. » La charge mentale, l'arbre qui cache la forêt de l'inégalité entre les sexes? ✪

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Vie d’famille ; la saison 3, baptisée « Batterie faible»,est dédiée à la charge mentale !
Retrouvez, sur toutes les plateforme­s d’écoute et sur notre site, notre podcast Vie d’famille ; la saison 3, baptisée « Batterie faible»,est dédiée à la charge mentale !
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