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Votre histoire «J’ai fait une dépression post-partum »

La dépression post-partum est un sujet tabou qui toucherait pourtant 20 % des femmes qui viennent d’accoucher. Afin de lever le silence, Justine, maman d’une petite fille, a décidé de raconter son histoire.

- Par Clémentine Thiney

La dépression post-partum ne doit pas être confondue avec le baby blues. Ce dernier correspond à une phase de tristesse due à une chute d’hormones suite à l’accoucheme­nt. Si cet état dure plus de trois jours, il faut en parler, et se faire accompagne­r. Durant le post-partum, la femme est très vulnérable et le risque de tentative de suicide est multiplié par 70. La thérapeute en périnatali­té Nathalie Piquée constate : « En général, ces femmes parlent beaucoup de vide. Elles ont l’impression de tomber dans un puits sans fond où elles sont dans une complète solitude. » Il y a aussi un risque d’altérer le lien mère-bébé. Il faut donc impérative­ment que les mamans qui souffrent de dépression­s post-partum soient suivies. « La prise en charge doit être thérapeuti­que et médicament­euse », explique l’experte.

UNE GROSSESSE QUI SE DÉROULE BIEN

Justine en a fait l’expérience. À 24 ans, la jeune femme tombe enceinte. « Étant une personne stressée, je suis attentive durant ma grossesse… qui se passe merveilleu­sement bien ! L’annonce, les échographi­es, connaître le sexe, voir son corps changer, sentir Bébé bouger, préparer la chambre, être chouchouté­e, pouvoir manger et dormir à volonté, c’est génial. L’accoucheme­nt arrive et tout se passe parfaiteme­nt bien : péridurale OK, travail OK, délivrance OK. Mon corps post-partum est OK, mais mon mental, non. »

« JE N’AI PAS RESSENTI L’INSTINCT MATERNEL »

Une fois sa fille dans les bras, Justine ne ressent pas de vague d’amour. Mais plutôt une vague d’angoisse. Comme elle l’explique dans une vidéo tournée pour le média Fraiches, la jeune maman a l’impression d’être face à un bébé qu’elle ne connaît pas. Elle passe

Je suis l’ombre de moi-même. Je n’ose plus dormir de peur de me réveiller et de réaliser dans quel cauchemar je suis.

le séjour à la maternité avec une boule au ventre, et espère que tout ira mieux une fois chez elle. « Retour à la maison : je croise les doigts pour que, lorsque je retrouve mes repères, tout rentre dans l’ordre. Sauf que non : j’ai l’impression qu’à chacun de ses pleurs, je m’étouffe, que je n’y arriverai jamais, que je veux retrouver ma vie d’avant, que ma fille est une erreur, que je ne ressens rien pour elle. Alors, je sombre : je ne mange plus, je ne dors que très peu, même déglutir et sortir du lit est difficile. (…) Je suis vouée corps et âme, jour et nuit à ce petit être qui crie et me réclame, mais j’ai l’impression de n’avoir rien à donner, que je ne le comprends pas. Alors, je fais, mais c’est machinal, comme si on m’avait mise en prison. Sauf qu’un matin, je pense au pire en me réveillant et je vois la fenêtre qui m’appelle, afin que tout cela s’arrête », raconte-t-elle.

« JE VEUX CLAIREMENT MOURIR »

Son témoignage ne s’arrête pas là : « Je suis l’ombre de moi-même. Je n’ose plus dormir de peur de me réveiller et de réaliser dans quel cauchemar je suis. Mon conjoint doit me bercer pour m’endormir… Je veux clairement mourir. » La jeune femme décide alors de voir un médecin. Ce dernier lui annonce qu’elle souffre de dépression post-partum, et que cela touche une femme sur trois dans les quatre années qui suivent l’accoucheme­nt. Elle prend alors des antidépres­seurs et commence un suivi psychologi­que. « Le traitement m’aide et je retrouve de l’appétit. Au fil des mois, j’apprends à connaître ma fille et à construire chaque jour l’amour et le lien avec elle. L’interactio­n se met en place petit à petit, je commence à apprécier ce qu’il se passe entre nous lorsque je m’occupe d’elle. Une routine s’installe et les blessures se réparent doucement. »

EN PARLER POUR LEVER LE TABOU DU POST-PARTUM

Aujourd’hui, Justine va mieux. C’est pourquoi elle a décidé de raconter son histoire. Elle ne prend plus d’antidépres­seurs, mais elle sait que « rien n’est stable ». Une question persiste, cependant : pourquoi la dépression post-partum reste-t-elle un sujet tabou ? « La société nous fait croire que la maternité est la chose qui nous rendra le plus heureuse. On nous fait croire que l’on doit être performant­e et épanouie. » La jeune femme ne comprend pas non plus pourquoi personne ne demande jamais aux mamans comment elles vont : « On doit se taire, il n’y a que le bébé qui compte. » À travers son témoignage et sa page Instagram @lepostpart­um, elle espère donc lever le voile et aider d’autres femmes.

DES CONSEILS POUR MIEUX VIVRE LE POST-PARTUM

Céline Chadelat et Marie-Mahé Poulin ont sorti un cahier intitulé Le Mois d’or (Presses du Châtelet), afin d’aider les parents à préparer les 40 jours qui suivent l’accoucheme­nt. Dans cet ouvrage, de nombreux conseils sont prodigués aux mamans, sur le plan matériel, physique ou mental. On y retrouve des recettes, ou des suggestion­s liées à l’alimentati­on. Mais aussi des astuces pour produire de l’ocytocine, qui est l’hormone du bien-être et de l’amour : « Pour cela, la maman a besoin de chaleur. Il faut donc lui donner des bouillotte­s et des boissons chaudes. » Surtout, ce qui est important, c’est le repos.

Justine rappelle : « Ce que l’on ne nous dit pas non plus, c’est que nous avons le droit à des aides : des personnes qui nous aident à faire le ménage, à retrouver le sommeil, mais aussi des aides de la CAF. Le plus grand risque pour une femme qui sort de la maternité, c’est l’isolement. » Alors que l’on se concentre souvent sur le suivi physique, il faudrait renforcer le soutien psychologi­que. Nathalie Piquée conseille aux mamans de voir des thérapeute­s avec leur bébé, pour ne pas que leurs liens soient fragilisés plus tard : « Il est fondamenta­l d’en parler. Beaucoup de femmes n’expriment pas ce qu’elles ressentent. De ce fait, les profession­nels ratent beaucoup de prises en charge. Pourtant, si une maman se fait bien accompagne­r, elle peut sortir de cet état en quelques semaines. » ✪

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