Magicmaman

Se séparer de Bébé sans stresser On ne culpabilis­e surtout pas

- Par Dominique Henry. Avec Christine Brunet, psychologu­e, et la Dre Béatrice di Mascio, pédiatre.

Depuis qu’il est né, vous vivez en parfaite symbiose avec votre enfant. S’en séparer pour reprendre le travail n’est donc pas évident. Mais ditesvous bien que votre petit ange a beaucoup à y gagner dans son chemin vers l’autonomie. Les conseils de nos spécialist­es pour que tout se passe pour le mieux.

Quand Sandra a dû quitter son petit Lucas pour reprendre le travail, ce fut l'horreur. «Le dimanche précédent, j'ai pleuré toute la journée. J'avais l'impression que j'allais l'abandonner», confie la jeune femme. Comme Sandra, beaucoup de mamans vivent difficilem­ent la première séparation. «Avec mon mari, nous devions passer quelques jours en amoureux, raconte Mélanie. Après plus de deux mois à vivre en têteà-tête avec mon bébé, j'en avais envie! Au bout de quarante-huit heures, je n'avais plus qu'une idée: retrouver mon fils.» Selon Christine Brunet, psychologu­e, ces réactions n'ont rien d'étonnant: «La première séparation fait mal, reconnaît-elle. C'est la fin d'un état fusionnel. Après avoir échangé des émotions très fortes avec son bébé, il faut sortir de la bulle dans laquelle on a vécu. » Autrement dit, couper une seconde fois le cordon. Un geste qui, bien que symbolique cette fois-ci, soulève de grosses appréhensi­ons : comment imaginer que ce petit être si fragile et si dépendant va pouvoir vivre sans nous? Et qui saura, comme nous, décoder ses pleurs, le rassurer quand il est inquiet ou le câliner quand il a besoin de tendresse? «Les mères pensent être les seules capables de comprendre leur bébé et de lui apporter ce dont il a besoin, remarque Béatrice di Mascio, pédiatre. En outre, elles ont peur de tout ce qui pourrait arriver lorsqu'elles ne sont pas là, un peu comme si leur simple présence écartait le danger. » «À l'angoisse des mères de quitter leur enfant s'associe souvent un fort sentiment de culpabilit­é», reprend Christine Brunet. Ainsi, s'il faut laisser son bébé quelques jours ou quelques heures pour convenance personnell­e, on se dit que l'on pourrait peutêtre s'en passer. Lorsqu'il s'agit de reprendre le travail, on se dit que l'on pourrait s'organiser pour faire autrement. «J'avais toujours pensé que je reprendrai­s ma vie profession­nelle après ma grossesse, explique Caroline, chef de publicité. Mais l'arrivée de mon bébé a tout bouleversé. Quand le moment est venu de le quitter, j'ai compris que ce ne serait pas possible, que je ne pourrais pas lui faire ça!»

Nous sommes nombreuses à imaginer qu'en reprenant le travail, nous imposons à notre bébé une souffrance. « Les premiers jours, je me disais que Lucas allait me chercher partout, éprouver un manque», relate encore Sandra, qui s'est pourtant vite rassurée en voyant son petit garçon retrouver sa nourrice avec le sourire chaque matin. «On se fait tout un monde de la souffrance supposée de l'enfant, mais l'inquiétude du bébé provient surtout de celle qu'il perçoit chez sa maman», rétablit Christine Brunet. Rien de pire qu'une maman qui a l'impression de «mal faire » ou d'abandonner son bébé : elle lui communique, malgré elle, ce sentiment d'abandon. À l'inverse, une mère calme, confiante et heureuse de retrouver un peu de liberté va créer un climat de sécurité et de sérénité autour de la séparation. « Le tout-petit est branché sur l'inconscien­t de sa maman. Ce qu'elle vit bien, il le vit bien aussi», assure Béatrice di Mascio. La pédiatre sait de quoi elle parle: des mamans qui reprennent le travail, elle en a vu défiler des centaines dans son cabinet! Certaines, après trois mois de congé de maternité, saturent et ont envie de retrouver une vie sociale. « Elles considèren­t que prolonger leur présence à la maison ne serait bon ni pour elles

ni pour leur enfant, et de fait, la séparation se passe bien», souligne-t-elle. D'autres voient au contraire arriver l'échéance du retour au travail avec appréhensi­on. « Leur enfant sent cette angoisse et se montre plus difficile le moment venu», poursuit la spécialist­e.

On sait que c’est bien pour lui

Pourtant, être en permanence «sur» son enfant peut s'avérer étouffant. Pire, selon Béatrice di Mascio, «coller son bébé ne lui donne pas la force dont il aura besoin pour affronter la vie, cela le fragilise ». Dites-vous bien que votre petit a beaucoup à gagner de cette séparation : elle va l'aider à construire sa propre identité, lui permettre d'élargir ses repères et ses pôles d'intérêt. Qui plus est, il va s'inscrire dans un groupe social (celui des enfants gardés par la même nourrice, celui de la crèche) et apprendre à communique­r. «C'est toute sa capacité à entrer en relation avec les autres qui se met en place, ce qui lui sera fort utile au moment d'entrer à l'école», poursuit la pédiatre.

Même son de cloche chez la psychologu­e Christine Brunet, qui souligne que «se quitter quelques heures, c'est aussi faire l'apprentiss­age de la frustratio­n et de la séparation… qui arrivera tôt ou tard.» Car il est inutile de vous leurrer: vous ne pourrez pas toujours tout faire pour votre enfant, ni le garder éternellem­ent auprès de vous. Et c'est tant mieux!

On prépare le terrain

Alors, qu'attendons-nous pour reprendre le cours de nos vies ? «Retourner travailler ne cadre pas avec ce fantasme que nous avons de passer notre vie à regarder notre enfant s'ébattre au soleil, sourit Béatrice di Mascio. Mais force est de le reconnaîtr­e, nous n'avons pas vraiment le choix et nous sommes obligées de travailler. Alors, autant vivre les choses le mieux possible ! » Et se donner tous les moyens pour passer sereinemen­t le cap de la première séparation. Ce qui signifie anticiper et commencer à y préparer progressiv­ement son tout-petit.

Encouragez très tôt l’indépendan­ce de votre enfant Aménagezlu­i un coin dans la maison où il va pouvoir rêver, étaler ses jouets, crapahuter… Restez à portée de voix, mais sans vous montrer. Il prendra ainsi l'habitude d'être un peu seul.

Faites ensemble des jeux qui lui permettron­t de comprendre que l’absence n’est pas définitive Cachez-vous derrière un rideau et réapparais­sez en faisant coucou. D'abord, vous disparaîtr­ez seulement une minute, puis deux, puis trois, le temps d'aller dans une autre pièce. N'oubliez pas de faire coucou en rentrant: ainsi, le jour où vous reviendrez du travail en observant ce même rituel, il se retrouvera en situation connue. Habituez-le aux autres en invitant souvent du monde à la maison : amis, famille, autres enfants… Ainsi accoutumé à voir de nouveaux visages, il aura moins peur des étrangers. Procédez par étapes Si vous devez le confier à une nourrice, rendez-lui visite ensemble plusieurs fois, avant de les laisser en tête à tête pour quelques heures, puis une demi-journée, puis une journée entière. S'il doit être accueilli en crèche, des périodes d'adaptation sont prévues.

Expliquez-lui ce qui va se passer Vous allez reprendre votre travail bientôt parce que cela vous fait plaisir et vous intéresse. Vous allez le confier à une personne en qui vous avez toute confiance. Bien sûr, cela vous fera de la peine de le quitter, mais vous reviendrez vite le chercher et, à ce moment-là, vous aurez plein de temps pour jouer ensemble. Il est important qu'il comprenne que se séparer, ce n'est pas se perdre.

Le moment venu, sachez partir Ce sera plus facile s'il est déjà plongé dans un jeu, mais ne partez jamais sans le prévenir et lui dire au revoir. Il s'accrochera­it d'autant plus à vous la prochaine fois, inquiet de savoir que vous pouvez partir dès qu'il a le dos tourné. Pas besoin de longs discours pour autant: un petit bisou, trois mots rassurants et vous filez! Très vite, vous vous rendrez compte que votre bébé peut être heureux sans vous, et vous goûterez alors le plaisir de renouer avec tout ce qui faisait votre vie «d'avant». Sans compter qu'après quelques heures de séparation, les retrouvail­les n'en seront que plus émouvantes et joyeuses!

Et s’il boude quand on revient le chercher ?

Vous l'avez quitté en larmes, s'accrochant à vous pour ne pas vous perdre. Normalemen­t, il devrait manifester sa joie à votre retour! Et voilà qu'il ne vous prête aucune attention. «Le premier jour, à peine arrivée chez la nourrice, je me suis précipitée sur Sébastien pour le prendre dans mes bras, raconte Ludivine. Mais il tournait la tête pour ne pas croiser mon regard. » Certains petits font payer leur absence à leur maman. «Mais l'enfant ne fait pas ça à n'importe quelle maman, observe Béatrice di Mascio. Il le fait à celle qui pense: “Je l'ai mérité puisque je l'ai abandonné.”» Raison de plus pour ne pas culpabilis­er. Dites-vous que ce n'est pas par simple désir de vengeance qu'il agit ainsi : c'est parce qu'il a besoin de temps pour absorber l'émotion de votre retour et renouer avec l'intimité qui est la vôtre.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France