Skier avec goût
Les sports d’hiver ont changé de tempo. Fini les pistes effacées en quinze minutes chrono, les allers-retours en remontées mécaniques qui se succèdent façon changement de métros à l’heure de pointe, le jambon-beurre avalé fissa en terrasse plein sud. Même le verbatim change, comme le précise Jean-Marc Silva, directeur de France Montagnes : « On parle de moins en moins de “vacances au ski” mais de “vacances
à la montagne” ». Comme si l’écosystème naturel était de nouveau sur le devant de la scène et réinvestissait son rôle originel, celui de nous reconnecter avec nos rythmes biologiques. Quel intérêt en effet de changer de décor si c’est pour se retrouver dans la même suractivité, la même compétition pour tout et rien, les mêmes situations de stress qu’en ville? Donc on oublie l’emploi du temps. On lâche prise. Et on passe moins de temps sur les pistes. On ne cherche plus à se dépasser physiquement mais à se faire du bien, à rompre avec le quotidien. De quelques stations pionnières – Megève, Courchevel, Méribel, Saint-Martin-de-Belleville (où la légendaire «Bouitte» fête cette année ses quarante ans), qui avaient misé dès le départ sur l’après-ski à grand renfort de tables étoilées et de spas, est venu le «la» : toutes s’y sont mises ensuite. Jusqu’à Tignes, sans doute la plus sportive et « jeune » des stations, qui était réputée jusqu’à présent plus pour son offre de sports extrêmes que pour ses plaisirs gastronomiques. Partout, la souplesse est de rigueur, des conditions d’utilisation des forfaits (quatre heures à consommer comme on le souhaite) aux arrivées à la carte, à la possibilité de courts séjours en passant par les randonnées gourmandes nocturnes, à raquettes, où chacun suit son rythme. En Suisse, se multiplient les « slow zone » et « zone 30 » pour une approche plus décontractée du ski. Cervinia, station italienne reliée à Zermatt, patrie du « slow ski », propose depuis quelques années une piste pour un «ski de l’âme, délassant et régénérant». Ou comment apprécier au passage le paysage et la faune. À Alta-Badia, dans la région du TrentinHaut-Adige, un collectif de chefs étoilés organise un parcours – savoureux – baptisé « Skier avec goût » afin de découvrir les spécialités locales entre deux pistes. Quant à Wengen, station suisse pittoresque et piétonne, que nous découvrons dans ce numéro, elle ne se laisse approcher qu’à bord d’un tortillard à crémaillère joliment rétro… Quand la douceur et l’approche plaisir remplacent à grande vitesse le tout-glisse.