LA CUISINE DES PAYS NORDIQUES
Magnus Nilsson débute son livre en expliquant pourquoi il ne voulait pas l’écrire. Il parvient presque à convaincre le lecteur de reposer La Cuisine des pays nordiques. Effectivement, tenter d’englober une diversité culinaire qui s’étend sur un territoire aussi vaste, sous une même bannière, semblait une gageure impossible. Fort d’une enquête solide entreprise deux ans durant, le chef suédois a finalement changé d’avis. Après des recherches poussées et plusieurs centaines de rencontres, Magnus Nilsson en vient à une conclusion heureuse, tout du moins pour la parution du livre : il existe entre les cultures nordiques bien plus de points communs et de passerelles cultinaires qu’il ne l’imaginait avant de se lancer dans l’aventure. L’hostilité, d’abord, de l’écosystème. Du Sud danois aux montagnes septentrionales de la Norvège, l’homme doit s’adapter aux hivers rigoureux. S’il n’avait su construire des garde-manger et préserver les aliments, il n’aurait pas survécu au-delà de l’été. Les arômes puissants de la conservation – séchage, salage, fumage, fermentation – font donc partie intégrante de la carte gustative nordique. Le célèbre gravlax était ainsi, à l’origine, un poisson salé puis enterré afin d’être conservé par la fermentation. Ce monde âpre est illustré par les photographies au couteau du chef Nilsson. Même traitement minimaliste donné par Erik Olsson aux aliments de base et aux recettes, quand celles-ci ne sont pas remplacées par de petits dessins explicatifs au charme naïf, à la façon des planches illustrées de nos vieux dictionnaires. La débrouillardise, essentielle pour la survie, puis la recherche du plaisir de ces peuples du Grand Nord est au coeur de cette bible de 700 recettes. Au fil des pages, on retrouve les incontournables boulettes de viande et autres harengs marinés, mais aussi des associations plus surprenantes, comme l’incongru poulet à la crème, au piment et à la banane. Bien entendu, l’application n’est pas évidente pour certaines recettes, l’approvisionnement en oeufs de fulmars étant plutôt improbable loin du cercle polaire... Et pour le quadrillage sur le pain du Hardanger norvégien, il faudra se contenter d’une empreinte à gaufre de chez nous ! Nous avons sélectionné des recettes réalisables dans notre écosystème ; le livre contient également de précieuses pages consacrées aux méthodes, notamment de cuisson, pertinentes dans la cuisine quotidienne. Une page entière, par exemple, expose les grands principes pour réaliser une bonne soupe de légumes ! La Cuisine des pays
nordiques a autant sa place en cuisine que sur la table de salon. Il incite au voyage, enseigne sans pédanterie, se lit comme un roman érudit, se picore comme un recueil de nouvelles gourmandes et drôles. Après avoir présenté le surströmming, le hareng fermenté suédois, Magnus Nilsson en livre les règles de dégustation. Celui-ci se consomme exclusivement en extérieur, « peu importe le temps et le niveau d’activité des moustiques », avec de l’aquavit, du pain, du fromage et, surtout, « aucun dessert, car l’arôme du surströmming contamine toute nourriture douce et grasse dans un rayon de 100 mètres ».© La Cuisine des pays nordiques, aux éditions Phaidon. phaidon.com
Page de gauche, recettes autour du champignon. Ci-dessus, Magnus Nilsson, chef du restaurant Fäviken, nous fait découvrir en 768 pages et 8 000 photographies le patrimoine culinaire du Danemark, des îles Féroé, de la Finlande, du Groenland, de l’Islande, de la Norvège et de la Suède.