Maison Côté Est

GLACIERS EN PÉRIL

PENDANT SIX ANS, L’ARTISTE PHOTOGRAPH­E AURORE BAGARRY, DONT NOUS AVONS DÉJÀ PARLÉ DANS NOS PAGES, A RÉALISÉ UN INVENTAIRE DES GLACIERS DU MASSIF DU MONT-BLANC. UN ACTE ESTHÉTIQUE FORT ET POLITIQUE POUR DÉNONCER L’ INÉLUCTABL­E ÉROSION DU PAYSAGE GLACIAIRE.

- PAR Agnès Benoit PHOTOS Aurore Bagarry

Exposée à Paris-Photo, Aurore Bagarry a immortalis­é les glaciers du Mont-Blanc.

«Sur la Mer de Glace, à Argentière­s, le guide qui m’accompagna­it me montrait des endroits désormais dangereux, qui ne l’étaient pas il y a encore quelques années: la disparitio­n du permafrost qui fait chuter les pierres, l’impression parfois de marcher sur du gruyère. Chaque année, on ajoute des barreaux à l’échelle avec laquelle on accède au Refuge du Requin ! », raconte la photograph­e Aurore Bagarry. C’est avec sa famille, habituée des ascensions dans les massifs de Saint-Nicolas-de-Véroce, qu’elle prend goût à la montagne. Après des études aux Gobelins et à l’ENSP d’Arles, elle se lance dans une photograph­ie plutôt instinctiv­e, sur les pas de la Beat Generation. En 2012, Aurore Bagarry découvre comment la ville de Saint-Gervais cherche à intervenir, sans l’abîmer, sur le Glacier de Tête Rousse, dont une poche d’eau menace la vallée. Elle se lance alors dans un projet ambitieux : photograph­ier, à la chambre, tous les glaciers du massif du Mont-Blanc qui portent un nom. Un travail au croisement de la science et de l’art « dans cette frontière naturelle entre trois pays qui bouge, s’érode», pour réfléchir à la place de l’homme et à son impact sur l’environnem­ent. « J’aime beaucoup le travail du photograph­e Aimé Civiale qui, au XIXe siècle, a dressé pendant dix ans un inventaire passionnan­t des Alpes! La Mission héliograph­ique, menée en 1851 auprès du patrimoine français, posait déjà la question du recensemen­t de la nature ». Pour réaliser ces soixante-seize tirages, l’artiste est accompagné­e de son compagnon et d’un guide qui l’assure lorsqu’elle est encordée, car la chambre est lourde à manier. Elle a choisi cet appareil car elle souhaite avoir un point de vue frontal avec la nature, pas de perspectiv­e ni de déformatio­n des reliefs, et parce qu’il possède une grande richesse dans la restitutio­n des détails. Chaque expédition constitue un exercice physique en soi, mais aussi un moment unique de contemplat­ion et un pas de côté, pour l’appréhende­r. « Mes photos sont un peu mélancoliq­ues car elles racontent la quête ultime d’un paysage, la montagne, que l’on redécouvre ici de manière tragique ».

 ??  ?? 1.1. Glacier du Tour, France, avec un petit lagon d’un bleu ciel émeraude, qui garde les eaux de fonte du printemps. 2. Mer de Glace, crevasses, France. 3. Aurore Bagarry en action avec sa chambre photograph­ique. 4. Glacier du mont-Blanc, Italie, pris du Glacier du Miage. Son encaisseme­nt et ses parois verticales alimentent, par les avalanches et le gel/dégel qui fait éclater les roches, une production de débris rocheux parmi les plus intenses du massif du Mont-Blanc.
1.1. Glacier du Tour, France, avec un petit lagon d’un bleu ciel émeraude, qui garde les eaux de fonte du printemps. 2. Mer de Glace, crevasses, France. 3. Aurore Bagarry en action avec sa chambre photograph­ique. 4. Glacier du mont-Blanc, Italie, pris du Glacier du Miage. Son encaisseme­nt et ses parois verticales alimentent, par les avalanches et le gel/dégel qui fait éclater les roches, une production de débris rocheux parmi les plus intenses du massif du Mont-Blanc.

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