LE RÈGNE DES ARBRES
Ces rois du vivant sont au coeur d’une exposition-événement pendant l’été, à la Fondation Cartier, à Paris.
DE LA BOTANIQUE À LA NOUVELLE BIOLOGIE, DE LA CONTEMPLATION NATURALISTE À LA TRANSPOSITION ONIRIQUE, DE LA DÉVASTATION FORESTIÈRE À LA RÉSILIENCE ÉCOLOGIQUE, LA FONDATION CARTIER CONSACRE LES ARBRES DANS UNE EXPOSITION QUI S’ANNONCE ÉVÉNEMENT. HYMNE SENSIBLE À CES ROIS DU VIVANT, ELLE CULTIVE L’ÉMERVEILLEMENT.
Capacités sensorielles, aptitude à la communication, développement
d’une mémoire, symbiose avec d’autres espèces, influence climatique: comment ne pas être fasciné par cette « intelligence végétale », mise à jour d’un arbre à l’autre? Il aura pourtant fallu attendre ces dernières décennies pour que la biologie daigne s’intéresser à ces organismes vivants, parmi les plus anciens de la planète; la première forêt fossile connue date de 385 millions d’années, quand l’Homme n’a guère plus de 300000 ans; une paille, d’autant que celui-ci ne représente que 0,01 % de la masse organique… Foin de cet obscurantisme! Comme ce fut le cas avec son exposition «Le Grand Orchestre des Animaux», la Fondation Cartier pour l’art contemporain se met au diapason de ces découvertes scientifiques, qui non seulement portent un nouveau regard sur les arbres, mais misent sur leurs facultés pour résoudre les défis environnementaux. Avec la même pédagogie sensible, «Nous les arbres» place ces protagonistes remarquables comme les chefsd’oeuvre qu’ils sont et donne la parole à des artistes, des botanistes ou encore des philosophes pour séquencer le parcours sur un fil intime. Pionnier de la neurobiologie végétale, Stefano Mancuso cosigne ainsi avec le plasticien Thijs Biersteker une installation qui « donne la parole aux arbres », grâce à une série de capteurs. Autre grande figure dont les planches naturalistes émerveillent, le voyageur Francis Hallé se fait le témoin de la rencontre entre la science et le sensible. Avec le photographe cinéaste Raymond Depardon, la relation entre l’homme et la nature cadre platanes et chênes de villages. Pour Fabrice Hyber, qui a semé quelque 30000 graines d’arbres dans sa vallée vendéenne, rhizomes et autres structures métamorphiques inspirent ses toiles poétiques. Du constat documentaire au témoignage créatif, la dévastation des espaces forestiers prend aussi racine dans ce tableau aux horizons larges. Prolongement naturel de l’exposition, le jardin renoue avec une flânerie rêveuse, de son cèdre séculaire à une sculpture événementielle d’Agnès Varda. « Il y a de l’arbre à l’origine de toute expérience », philosophe Emanuele Coccia. Une coupe éclairante dans l’anthropocentrisme.