EN PENTES FORT DOUCES
Plongée spectaculaire dans l’univers de la snowboardeuse cinéaste Marion Haerty.
DOUBLE CHAMPIONNE DU MONDE SUR LE FREERIDE WORLD TOUR, QUI CONSACRE LA GLISSE LIBRE ENGAGÉE, LA SNOWBOARDEUSE MARION HAERTY PARTAGE SON ART DE VIVRE DANS UN COURT MÉTRAGE SPECTACULAIRE. LA PUISSANCE DE SES « FLOWS, OÙ TOUT LE CORPS ET L’ESPRIT SONT CONCENTRÉS SUR L’ACTION » ? UNE OSMOSE AVEC LA HAUTE MONTAGNE.
Lâcher prise, pour se hisser au sommet de la glisse extrême, et maîtriser le moindre élément de sa performance sportive dans un milieu potentiellement mortel ? À l’épreuve de ce paradoxe, celle que pistent les magazines féminins autant que sportifs fait preuve d’un art du snowboard qui impressionne tous azimuts : en trois dimensions, le premier court métrage de Marion Haerty les porte au sommet. Entre images saturées et prose inspirée, rythmée par un esthétisme contemplatif à l’image d’une pleine conscience verbalisée, c’est peu dire que ces minutes intenses, intitulées In Situ, « mettent en situation » aux côtés de l’icône de 27 ans. La séquence s’ouvre sur un éclair qui zèbre le ciel, laissant intact un arbre bien enraciné : «Prends un moment, prends le temps, laisse la discorde venir», fait défiler le soustitre. Quelques suées plus loin, entre saut à la corde et autre entraînement de commando, la jeune femme ne se départ pas de sa poésie sportive : «Tu dois faire ta propre course, rechercher la lumière, balayer la poussière. » D’un tunnel urbain, qui frôle le surréalisme stroboscopique, à une pente sauvage, qui fait ressentir l’effort d’une ascension enneigée à micuisse, les réalisateurs subliment un cheminement doublement singulier. « Celui qui cherche une explication rationnelle à ce six minutes n’est pas sur la bonne voie», commentent Mathilde Fiet et Vincent Ricci. « L’idée est de créer un état d’enfermement pour mieux exprimer la délivrance qui se construit grâce à la pratique sportive de Marion.» À la voir faire corps avec l’Aiguille de l’Amône, sur la face suisse du mont Blanc, on comprend « le feu » qui habite la Grenobloise depuis sa découverte, à 10 ans, d’une planche de snowboard et de ses premières descentes à Chamrousse. « Créer chaque fois ma propre ligne est comme une feuille blanche, où j’explore la montagne et moi-même. À l’opposé d’un Mike Horn rempli de testostérone conquérante, ma confrontation avec la nature sollicite un relâchement, une douceur ; parvenir à cette osmose est un pur bonheur. » Son mot de la fin n’est qu’un début : « Avec cette énergie féminine, je vais vers la liberté.»