Une étendue couverte de neige comme une page blanche sur laquelle tout est permis, surtout de rêver : une idée de l’abstraction qui ne peut que nous inspirer après une année de tempêtes, saturée d’informations et d’inquiétudes.
Achacun sa perception personnelle du temps idéal, certains préféreront toujours aux plaisirs glacés de l’hiver une plage de sable fin écrasée de soleil. Mais tous s’accorderont sur la poésie, la délicatesse d’un matin de neige clair et rose à la montagne. Un miracle météorologique qui donne naissance à un moment d’équilibre et de grâce. Une fragilité sublime qui nous renvoie à nos émerveillements d’enfant, quand une impatience irrésistible faisait oublier tout le reste, bonnet, gants, écharpe et petit déjeuner, un enthousiasme matinal qui, à l’âge adulte, n’abandonnera plus les skieurs, tout à la joie de « monter » et de chausser les skis. En ce début d’hiver, ce sont la patience et l’alternative au ski qui sont requises, bouleversant par là même l’écosystème économique des sports d’hiver. Mais l’incertitude liée à la crise sanitaire et son cortège de restrictions et d’interdictions ne parviendront pas à entamer l’éternelle fascination qu’exercent sur nous cirques enneigés et forêts ouatées. Fort à propos, la mutation et la maturation des stations françaises accompagnent depuis une dizaine d’années cet élan naturel, grâce à l’adaptation de leur offre à la fois sportive et touristique. Jamais nos stations n’ont été plus attractives, avec notamment l’essor du « sans voiture » qui a révolutionné des villages entiers, à l’image d’Avoriaz, au coeur des Portes du Soleil – notre reportage de ce numéro d’hiver –, l’une des pionnières en la matière. Un 100 % ski aux pieds où l’on croise avec bonheur la trentaine de traîneaux et de calèches qui sillonnent les rues transformées en pistes. La valorisation du patrimoine et de l’architecture, par le biais du Plan d’occupation des sols par exemple, a permis de préserver la beauté typique de villages entiers, comme Morzine, dont on maîtrise depuis longtemps la hauteur des constructions. Dans des stations flanquées d’un domaine skiable au milieu des forêts de sapins, Les Gets en étant le symbole parfait, les sports alternatifs et les activités «nature», ski de randonnée nocturne, chiens de traîneaux ou raquettes, offrent une immersion unique dans ce que la montagne a de meilleur, sa nature sauvage et grandiose. Dans le canton du Valais, le refuge construit à la moitié du XXe siècle par les architectes Heidi et Peter Wenger, sur un éperon rocheux à 2 000 mètres d’altitude, rappelle que la montagne est avant tout, pour ceux qui l’aiment, une philosophie de vie et une formidable source d’inspiration. En attendant, donc, la réouverture de nos remontées mécaniques, rien n’interdit de s’extasier sur les paysages changeants et la pureté de la lumière et d’apprécier, même en petit comité, la douceur bienfaisante d’un Noël à la montagne.