Maison Côté Est

ARCHI ORGANIQUE

- REPORTAGE Martina Hunglinger TEXTE Anne-Laure Murier PHOTOS Mads Mogensen

Dans les Dolomites, l’extension contempora­ine d’une ferme du XVIe siècle dont le minimalism­e affirmé se fond dans son environnem­ent.

Avec son caractère entier, qu’il soit ébéniste ou secouriste de haute montagne, Thomas Erlacher n’a pas tergiversé. Plutôt que de moderniser sa ferme du XVIe siècle, il a longuement mûri une extension contempora­ine qui se fonde dans le paysage. Terrier de renard selon lui, temple souterrain selon son architecte, ce camouflage face aux Dolomites est un sommet de design.

Voir sans être vu. Depuis la terrasse panoramiqu­e qui embrasse les Alpes italiennes, tellement ouverte sur la vallée de l’Isarco et la chaîne des Dolomites que les animaux de la ferme adjacente s’y invitent allègremen­t, la gageure laisse admiratif. « Je peux y prendre le soleil tout nu », assure Thomas Erlacher, qui a le naturel montagnard chevillé au corps. Pour se ressourcer entre deux commandes d’aménagemen­t intérieur et autant de voyages profession­nels, cet ébéniste par atavisme a jeté son dévolu sur une habitation classée, avec grange et enclos. Non content de l’avoir restaurée dans les règles de l’art, il en a épousé le mode de vie à l’ancienne, se passant de chauffage et autre luxe. Randonneur chevronné, skieur hors piste émérite, ce sacré cabri consacre aussi du temps à ses vaches, ânes, moutons, chèvres et poules. Et quand des amis lui rendent visite, c’est au son de son harmonica ou sur un air de sa guitare qu’il fait rayonner sa joie de vivre. D’emblée, il n’en a pas moins envisagé un contrepoin­t d’art de vivre, moderne et confortabl­e. Quelques esquisses plus tard au fil des saisons, il s’est rendu à l’évidence : sans l’aide d’un architecte, sa vision n’aurait pas la perfection souhaitée. Ce voeu s’est concrétisé à la faveur d’un ping-pong créatif avec Pavol Mikolajcak, pendant plusieurs années. « La qualité ne peut s’obtenir qu’après des études techniques poussées, une réflexion aussi conceptuel­le que contextuel­le, une recherche de personnali­sation en milieu urbain comme rural», renchérit le jeune Slovaque, qui a un pied dans la ville voisine de Bolzano et est multiprimé pour sa sensibilit­é novatrice. «L’identité d’un bâtiment résulte d’une synergie entre la fonction et les usages de celui-ci, les particular­ités du site, les traditions locales et l’excellence artisanale. L’attention à la lumière et aux matériaux est le gage d’une authentici­té intemporel­le. » Creusée dans la pente selon une orientatio­n optimale, cette extension concertée est éclatante, d’un bout à l’autre de ses 200 mètres carrés. De plain-pied avec la prairie, bien qu’enterrée, elle offre une fluidité spatiale et décorative qui donne l’impression d’un décloisonn­ement entre la pièce à vivre et sa cuisine en îlot, les deux chambres et leurs salles de bains, le dressing et la buanderie. Pendant que de larges baies vitrées desservent la terrasse, deux puits de lumière complètent cet éclairage naturel jusqu’au soir. Contrastan­t avec les boiseries patinées de la ferme, du chêne brossé rehausse cette clarté contempora­ine, à laquelle concourt du béton brut. «Même si cet espace intérieur a une allure sculptural­e, sa géométrie est inspirée par le toit pignon d’antan », commente le duo. Destiné à un garage et autres sas techniques, le sous-sol renouvelle cet allerretou­r historique ; il communique avec le corps d’habitation principale, dont le mur en pierre est rejoint par un escalier design en bois et acier. Et Thomas Erlarcher de souligner que, sous ces atours, il s’agit plutôt d’une entrée de service. «Pour venir me voir, il faut sonner au bâtiment séculaire : c’est une autre façon de l’honorer!»

 ??  ?? BAIN DE LUMIÈRE Dans le nord-est de l’Italie, cette extension contempora­ine d’une ferme classée évoque un tour de passe-passe. Enfouis dans la pente du village de Villandro, ses 200 mètres carrés s’étagent incognito, en servant le paysage alpin sur un plateau.
BAIN DE LUMIÈRE Dans le nord-est de l’Italie, cette extension contempora­ine d’une ferme classée évoque un tour de passe-passe. Enfouis dans la pente du village de Villandro, ses 200 mètres carrés s’étagent incognito, en servant le paysage alpin sur un plateau.
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 ??  ?? LIGNES PURES
PAGE DE GAUCHE
1. De plain-pied avec les pièces à vivre, la terrasse est un continuum panoramiqu­e.
2. Les suspension­s « Gong » de Prandina mettent en lumière les coupelles sculptées par Thomas Erlacher.
3. Son ébénisteri­e à la
rusticité sophistiqu­ée compose avec les céramiques contempora­ines d’une galerie de Bolzano. 4. Fait sur mesure, l’îlot de cuisine est un joyau artisanal.
PAGE DE DROITE Canapé « Rolf Benz 50 » de Rolpf Benz, guéridon blanc « Parigi » du studio Catoir, autre prototype de table par l’agence Jouin Manku.
LIGNES PURES PAGE DE GAUCHE 1. De plain-pied avec les pièces à vivre, la terrasse est un continuum panoramiqu­e. 2. Les suspension­s « Gong » de Prandina mettent en lumière les coupelles sculptées par Thomas Erlacher. 3. Son ébénisteri­e à la rusticité sophistiqu­ée compose avec les céramiques contempora­ines d’une galerie de Bolzano. 4. Fait sur mesure, l’îlot de cuisine est un joyau artisanal. PAGE DE DROITE Canapé « Rolf Benz 50 » de Rolpf Benz, guéridon blanc « Parigi » du studio Catoir, autre prototype de table par l’agence Jouin Manku.
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 ??  ?? ESPACE NATUREL
Réalisé par l’entreprise du propriétai­re en concertati­on avec l’architecte, l’agencement intérieur est décloisonn­é à la faveur de panneaux qui intègrent des rangements, y compris pour la télévision au grand écran côté salon. Des niches mettent en vitrine des objets choisis, vintage et d’aujourd’hui. Artisanat et design composent cette contempora­néité intemporel­le : chaises noires « Branca » de Mattiazzi, plaid violet tricoté main « Pia » de Paulo Haubert pour Arcade Avec, lampe de sol en métal perle « Grasshoppe­r » de Gubi... Cadrant l’ancienne ferme et la forêt, plein ouest, un puits de lumière s’ajoute aux baies pour faire éclater cette harmonie spatio-temporelle.
ESPACE NATUREL Réalisé par l’entreprise du propriétai­re en concertati­on avec l’architecte, l’agencement intérieur est décloisonn­é à la faveur de panneaux qui intègrent des rangements, y compris pour la télévision au grand écran côté salon. Des niches mettent en vitrine des objets choisis, vintage et d’aujourd’hui. Artisanat et design composent cette contempora­néité intemporel­le : chaises noires « Branca » de Mattiazzi, plaid violet tricoté main « Pia » de Paulo Haubert pour Arcade Avec, lampe de sol en métal perle « Grasshoppe­r » de Gubi... Cadrant l’ancienne ferme et la forêt, plein ouest, un puits de lumière s’ajoute aux baies pour faire éclater cette harmonie spatio-temporelle.
 ??  ?? AIRS DU TEMPS
PAGE DE GAUCHE 1. Montagnard autant qu’entreprene­ur en ébénisteri­e, Thomas Erlacher a respecté l’esprit des lieux grâce à une épure organique audacieuse. 2. Variation de la minéralité locale, le béton brut cohabite avec la pierre naturelle et décline son aspect texturé.
PAGE DE DROITE
Avec la même radicalité inspirée, un escalier en métal noir fait le lien entre la nouvelle aile et le bâtiment historique ; il met en relief la déstructur­ation formelle, qui rompt avec le monolithe rectangula­ire de la ferme.
AIRS DU TEMPS PAGE DE GAUCHE 1. Montagnard autant qu’entreprene­ur en ébénisteri­e, Thomas Erlacher a respecté l’esprit des lieux grâce à une épure organique audacieuse. 2. Variation de la minéralité locale, le béton brut cohabite avec la pierre naturelle et décline son aspect texturé. PAGE DE DROITE Avec la même radicalité inspirée, un escalier en métal noir fait le lien entre la nouvelle aile et le bâtiment historique ; il met en relief la déstructur­ation formelle, qui rompt avec le monolithe rectangula­ire de la ferme.
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 ??  ?? DESIGN AU TOP
PAGE DE GAUCHE 1. Sur fond gris clair, la chambre principale est sur un nuage déco : lit et méridienne « Spencer » de Rodolfo Dordoni pour Minotti, lampe de chevet «Taccia» d’Achille et Pier Giacomo Castiglion­i pour Flos, chaise « Aïku » de Jean-Marie Massaud pour Jouin Mank. 2. Des branches de saule et une peau de vache couleur sapin donnent une note végétale. 3. Dans la salle de bains, kilim turc, miroir « Flip » de Normann Copenhagen.
PAGE DE DROITE Aérienne, la console a été dessinée par Thomas Erlacher et réalisée par ses artisans.
DESIGN AU TOP PAGE DE GAUCHE 1. Sur fond gris clair, la chambre principale est sur un nuage déco : lit et méridienne « Spencer » de Rodolfo Dordoni pour Minotti, lampe de chevet «Taccia» d’Achille et Pier Giacomo Castiglion­i pour Flos, chaise « Aïku » de Jean-Marie Massaud pour Jouin Mank. 2. Des branches de saule et une peau de vache couleur sapin donnent une note végétale. 3. Dans la salle de bains, kilim turc, miroir « Flip » de Normann Copenhagen. PAGE DE DROITE Aérienne, la console a été dessinée par Thomas Erlacher et réalisée par ses artisans.

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