ARCHI ORGANIQUE
Dans les Dolomites, l’extension contemporaine d’une ferme du XVIe siècle dont le minimalisme affirmé se fond dans son environnement.
Avec son caractère entier, qu’il soit ébéniste ou secouriste de haute montagne, Thomas Erlacher n’a pas tergiversé. Plutôt que de moderniser sa ferme du XVIe siècle, il a longuement mûri une extension contemporaine qui se fonde dans le paysage. Terrier de renard selon lui, temple souterrain selon son architecte, ce camouflage face aux Dolomites est un sommet de design.
Voir sans être vu. Depuis la terrasse panoramique qui embrasse les Alpes italiennes, tellement ouverte sur la vallée de l’Isarco et la chaîne des Dolomites que les animaux de la ferme adjacente s’y invitent allègrement, la gageure laisse admiratif. « Je peux y prendre le soleil tout nu », assure Thomas Erlacher, qui a le naturel montagnard chevillé au corps. Pour se ressourcer entre deux commandes d’aménagement intérieur et autant de voyages professionnels, cet ébéniste par atavisme a jeté son dévolu sur une habitation classée, avec grange et enclos. Non content de l’avoir restaurée dans les règles de l’art, il en a épousé le mode de vie à l’ancienne, se passant de chauffage et autre luxe. Randonneur chevronné, skieur hors piste émérite, ce sacré cabri consacre aussi du temps à ses vaches, ânes, moutons, chèvres et poules. Et quand des amis lui rendent visite, c’est au son de son harmonica ou sur un air de sa guitare qu’il fait rayonner sa joie de vivre. D’emblée, il n’en a pas moins envisagé un contrepoint d’art de vivre, moderne et confortable. Quelques esquisses plus tard au fil des saisons, il s’est rendu à l’évidence : sans l’aide d’un architecte, sa vision n’aurait pas la perfection souhaitée. Ce voeu s’est concrétisé à la faveur d’un ping-pong créatif avec Pavol Mikolajcak, pendant plusieurs années. « La qualité ne peut s’obtenir qu’après des études techniques poussées, une réflexion aussi conceptuelle que contextuelle, une recherche de personnalisation en milieu urbain comme rural», renchérit le jeune Slovaque, qui a un pied dans la ville voisine de Bolzano et est multiprimé pour sa sensibilité novatrice. «L’identité d’un bâtiment résulte d’une synergie entre la fonction et les usages de celui-ci, les particularités du site, les traditions locales et l’excellence artisanale. L’attention à la lumière et aux matériaux est le gage d’une authenticité intemporelle. » Creusée dans la pente selon une orientation optimale, cette extension concertée est éclatante, d’un bout à l’autre de ses 200 mètres carrés. De plain-pied avec la prairie, bien qu’enterrée, elle offre une fluidité spatiale et décorative qui donne l’impression d’un décloisonnement entre la pièce à vivre et sa cuisine en îlot, les deux chambres et leurs salles de bains, le dressing et la buanderie. Pendant que de larges baies vitrées desservent la terrasse, deux puits de lumière complètent cet éclairage naturel jusqu’au soir. Contrastant avec les boiseries patinées de la ferme, du chêne brossé rehausse cette clarté contemporaine, à laquelle concourt du béton brut. «Même si cet espace intérieur a une allure sculpturale, sa géométrie est inspirée par le toit pignon d’antan », commente le duo. Destiné à un garage et autres sas techniques, le sous-sol renouvelle cet allerretour historique ; il communique avec le corps d’habitation principale, dont le mur en pierre est rejoint par un escalier design en bois et acier. Et Thomas Erlarcher de souligner que, sous ces atours, il s’agit plutôt d’une entrée de service. «Pour venir me voir, il faut sonner au bâtiment séculaire : c’est une autre façon de l’honorer!»