PARCELLES DE CARACTÈRES
Les cuvées parcellaires savent préserver l’essentiel, l’origine et le « style maison ».
En Champagne, royaume du «style maison» et de l’assemblage des crus, la volonté de préserver l’origine court désormais le vignoble. En pleine redécouverte de leur terroir, les vignerons en déclinent les différentes expressions dans de savoureuses cuvées parcellaires.
«Il ne suffit pas de posséder un grand terroir, il faut le respecter et permettre
à la vigne d’en exprimer le caractère», confie Erick de Sousa, magnifique vigneron d’Avize, au coeur de la Côte des Blancs. Aujourd’hui, la remarque sonne comme une évidence, mais elle ne l’était pas il y a encore trente ans. « Dans les années 1990, certains vignerons se sont davantage approprié leur vignoble, constate Geoffrey Orban, oenologue-consultant et fin connaisseur de la Champagne viticole. Ce qui a entraîné une évolution tardive, mais réelle, de leur métier. » Les récoltants-manipulants ont ainsi commencé à «manipuler» leur terroir, en analysant les spécificités de leurs différentes parcelles, un oeil tourné vers la voisine Bourgogne et ses fameux climats. Une référence qui peut irriter : « La Champagne a plus besoin d’un modèle vigneron que bourguignon », objecte Orban. « Avec ce retour à la terre, les vignerons sont aujourd’hui des créateurs de vins de terroir, mais ne renions pas l’assemblage, sur lequel la région a bâti sa réputation», met aussi en garde le Comité Champagne. Reste que ces vins qui arborent leur lieu de naissance – des « champagnes de lieux-dits », comme les appellent joliment Anselme Selosse et Eric Rodez – se multiplient et trônent désormais sur les cartes des plus belles tables de France. Il faut dire que le morcellement du vignoble champenois (275000 parcelles d’une superficie moyenne de 12 ares), s’il a longtemps justifié la nécessité de l’assemblage, permet aujourd’hui aux vignerons d’en sélectionner les meilleures ou les plus typiques pour enrichir leur gamme. De nouveaux domaines sont même fondés sur cette approche, comme ceux d’Antoine Chevalier, dans le Vitryat, et de Christian Gosset, à Ay. En Champagne, une mosaïque des talents recouvre désormais celle des terroirs.