Maison Côté Est

CHAGALL, DIEU DU VITRAIL

- PAR Anne-Laure Murier

ALORS QUE LA CATHÉDRALE DE METZ, DONT MARC CHAGALL A RÉALISÉ PLUSIEURS VITRAUX, CÉLÈBRE SES 800 ANS, LE CENTRE POMPIDOU-METZ FAIT CONVERGER SON DIXIÈME ANNIVERSAI­RE. PARMI SES TEMPS FORTS, UNE EXPOSITION CONSACRE L’ARTISTE OECUMÉNIQU­E ET SON OEUVRE RAYONNANTE, « UNE CHOSE MYSTIQUE QUI PASSE PAR LA FENÊTRE ».

Lorsqu’il conçoit son premier ensemble de grande ampleur, à la cathédrale de Metz entre 1959 et 1968, Marc Chagall s’est à peine essayé au vitrail. Si le sexagénair­e est déjà un artiste majeur du siècle, c’est par la grâce de ses gouaches, eaux fortes, sculptures ou céramiques, où éclate sa liberté des couleurs et son univers religieux. «Je ne voyais pas la Bible, je la rêvais», a dit un jour ce Biélorusse naturalisé français en se remémorant son enfance folkloriqu­e au sein de la communauté hassidique de Vitebsk. Au-delà de tout dogme, sa spirituali­té humaniste multiplie les expression­s polysémiqu­es, mêlant la Thora et le Nouveau Testament, passant de la tradition à la subversion, invitant histoire collective et souvenirs intimes. Dans la France de l’après-guerre, son idéalisme singulier aspire encore plus à « apercevoir un trait de lumière qui éclairerai­t un nouveau sens de la vie». Bien plus qu’une technique, le vitrail constitue alors l’espace où convoquer cette force invisible. La matière du verre fusionne avec la peinture ; cette sublimatio­n s’allie aux rayons célestes et à l’architectu­re ; devenue interface, l’oeuvre s’ouvre à d’infinies dimensions. Pour produire cette alchimie, le peintre s’allie le savoir unique d’un couple de maîtres verriers, Charles Macq et Brigitte Simon, qui trouvent des solutions inédites pour traduire sa palette chatoyante. Tout en mettant en correspond­ance ce phénomène artistique avec les facettes précédente­s du génie, l’exposition détaille aussi le contexte de chaque commande. Après la puissance gothique de la cathédrale de Metz, Jérusalem le confronte à une architectu­re moderne, rehaussée de l’interdit de la figuration. Consacré par ce défi, il transcende ensuite toute sortes d’édifices, de New York à la Corrèze, en passant par Zurich, le Kent, Nice ou Reims. Profanes ou sacrés, autant d’endroits où communier avec sa personnali­té radieuse. «Pour moi, confiait Chagall, un vitrail représente la cloison entre mon coeur et le coeur du monde. Le vitrail est exaltant, il lui faut de la gravité, de la passion. Il doit vivre à travers la lumière perçue.»

 ??  ?? 1. Marc Chagall, Le Monde rouge et noir ou Soleil rouge (carton de tapisserie), 1951. Aquarelle, gouache, pastel gras sur papier fait machine sur papier contrecoll­é sur papier marouflé sur toile, 244,5 × 189 cm, Collection particuliè­re. 2. Izis, Marc Chagall travaillan­t sur le vitrail de « La Tribu de Dan » à l’atelier Simon-Marq de Reims, 1961. C’est l’un des douze conçus pour les quatre murs de la synagogue du Centre médical Hadassah à Jérusalem ; avant, la plupart ont été exposés à Paris et New York.
1. Marc Chagall, Le Monde rouge et noir ou Soleil rouge (carton de tapisserie), 1951. Aquarelle, gouache, pastel gras sur papier fait machine sur papier contrecoll­é sur papier marouflé sur toile, 244,5 × 189 cm, Collection particuliè­re. 2. Izis, Marc Chagall travaillan­t sur le vitrail de « La Tribu de Dan » à l’atelier Simon-Marq de Reims, 1961. C’est l’un des douze conçus pour les quatre murs de la synagogue du Centre médical Hadassah à Jérusalem ; avant, la plupart ont été exposés à Paris et New York.

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