ÉBÉNISTE PAR NATURE

Au Tyrol, les meubles artisanaux, tout bois, du designer néerlandais Rutger van der Zee.

DEPUIS AMSTERDAM, OÙ IL GRIMPAIT AUX ARBRES DANS LES PARCS, RUTGER VAN DER ZEE EST PARTI FERTILISER SA VIE DE FAMILLE SUR LES TERRES DE SA COMPAGNE AUTRICHIENNE. DANS CETTE VALLÉE BOISÉE DU TYROL, LA CRÉATION DE MOBILIER ARTISANAL À VOCATION PATRIMONIALE EST DEVENUE SA LIGNE DE VIE SENSIBLE.

Un temps suspendu, c’est le souvenir intact qu’est venu appréhender le Néerlandais Rutger van der Zee dans les Alpes autrichiennes. Le parfum du foin coupé, les cloches tintinnabulantes des vaches, le silence épais du manteau neigeux... « Cette carte postale d’un village du Tyrol se superpose exactement à l’enfance que j’ai vécue », confie sa compagne, Mariella. À la naissance de leur garçon, le couple a décidé de se mettre à ce diapason. Exit, Amsterdam; cap sur la vallée de la Ziller, où le naturel est revenu au galop. Pendant que l’une a poursuivi à distance ses activités de stylisme et de production photographiques, l’autre a renoué avec sa passion pour les arbres. Un temps coach de bien-être au grand air, ce qui le faisait prendre régulièrement de la hauteur dans la canopée urbaine, l’autodidacte à la fibre créative a fait corps avec son nouvel environnement. « J’ai toujours été inspiré par la nature. Par ailleurs, au gré de nos emménagements, j’ai conçu notre mobilier avec une complicité créative. Comme j’aime apprendre par moi-même, j’ai décidé de me former tout seul à l’ébénisterie », raconte l’expert patenté. C’est peu dire alors que le pays réglemente cet artisanat et que la corporation exige un titre de « maître » pour ouvrir un atelier. Depuis janvier 2020, le trentenaire a pignon sur rue entre verger et forêt, dans la commune touristique de Mayrhofen. À deux pas des poiriers, noyers, hêtres et autres essences locales dont la variété le fascine, Rutger van der Zee s’abstrait du consumérisme contemporain, préférant volontiers les outils ancestraux aux machines industrielles. Ainsi va-t-il user d’un rabot japonais pour révéler la beauté singulière d’un bois tendre ; sa lame affûtée comme un rasoir coupe les fibres, contrairement à du papier de verre, qui les abrase. Sa science des assemblages traditionnels, tels tenons et mortaises, parachève ses conceptions aussi esthétiques qu’ergonomiques. « Objets à se transmettre d’une génération à l’autre, ce sont les antiquités de demain », souhaite-t-il sans compter ses heures. Du coeur à l’ouvrage.

ALPES EN HÉRITAGE PAGE DE GAUCHE Avec ce retour aux sources par alliance dans la vallée de la Ziller, l’ébéniste célèbre le temps long du vivant, vibrant à tout niveau. PAGE DE DROITE En magnifiant la puissance intrinsèque de chaque espèce au seuil de son atelier, dont le poirier et le noyer, Rutger van der Zee transmet un artisanat qui a de l’avenir.

1. Entre facture traditionnelle et design contemporain, ce mobilier revisite durablement les us et coutumes alpins. 2. Par essence, la nature inspire l’ébéniste depuis toujours. 3. En hêtre huilé et corde de papier, ce fauteuil à la double courbe assoit une structure aussi complexe qu’aérienne. 4. En mélèze poli avec douceur, ce banc créé pour un chiropracteur fait toucher le travail de la main. 5. Du même bois, fini à l’huile, cette chaise met au goût du jour un objet d’Europe centrale.